Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/445

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guerres civiles, elle eût anéanti l’autorité du roi, eût ruiné l’État et eût coûté le sang de je ne sais combien de milliers d’hommes ; au lieu que j’ai rétabli la paix et l’autorité en sacrifiant un petit nombre de têtes coupables ; d’ailleurs, je n’ai jamais eu d’autres ennemis que ceux de l’État.

Mazarin. — Mais vous pensiez être l’État en personne. Vous supposiez qu’on ne pouvait être bon Français sans être à vos gages.

Richelieu. — Avez-vous épargné le premier prince du sang, quand vous l’avez cru contraire à vos intérêts ? Pour être bien à la cour, ne fallait-il pas être mazarin ? Je n’ai jamais poussé plus loin que vous les soupçons et la défiance. Nous servions tous deux l’État ; en le servant, nous voulions l’un et l’autre tout gouverner. Vous tâchiez de vaincre vos ennemis par la ruse et par un lâche artifice ; pour moi, j’ai abattu les miens à force ouverte, et j’ai cru de bonne foi qu’ils ne cherchaient à me perdre que pour jeter encore une fois la France dans les calamités et dans la confusion d’où je venais de la tirer avec tant de peine. Mais enfin j’ai tenu ma parole, j’ai été ami et ennemi de bonne foi ; j’ai soutenu l’autorité de mon maître avec courage et dignité. Il n’a tenu qu’à ceux que j’ai poussés à bout d’être comblés de grâces ; j’ai fait toutes sortes d’avances vers eux ; j’ai aimé, j’ai cherché le mérite dès que je l’ai reconnu : je voulais seulement qu’ils ne traversassent pas mon gouvernement, que je croyais nécessaire au salut de la France. S’ils eussent voulu servir le roi selon leurs talents, sur mes ordres, ils eussent été mes amis.

Mazarin. — Dites plutôt qu’ils eussent été vos valets ; des valets bien payés, à la vérité ; mais il