Page:Fénelon - De l’éducation des filles. Dialogues des morts.djvu/456

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cution. Je le fis venir pour me découvrir ces choses d’importance : il me dit que je devais débaucher l’armée de l’empereur et ensuite aller piller Florence ou Rome, ce qui me serait aisé parce qu’elle était toute composée de luthériens. Mon ambition me fit trouver ces conseils excellents : je gagnai l’armée et marchai à Rome, où je fus tué au commencement de l’attaque. Vous savez le reste.

François. — Vous étiez donc en même temps orgueilleux et avare : voilà de belles passions !

Bourbon. — Vous étiez livré à vos passions aussi bien que moi ; car vous aviez des maîtresses : vous désiriez être empereur et l’on prétend que vous ne haïssiez pas l’argent. En cette occasion, c’est la pelle qui se moque du fourgon.

François. — Nous nous disons l’un à l’autre nos vérités sans rien craindre ; mais nous ne nous en fâchons point.

Bourbon. — Pendant que nous vivions, nous ne les aurions pas supportées si facilement ; mais la mort nous ôte une grande partie des défauts.

François. — Mais avouez à présent que vous étiez beaucoup mieux connétable et premier prince du sang que général des armées de Charles-Quint ?

Bourbon. — Il est vrai que j’ai eu de grands dégoûts ; mais pourquoi n’avez-vous pas voulu que je vous aie fait la révérence, après que vous fûtes pris à Pavie ?

François. — Je voulus soutenir la grandeur royale, même dans ma disgrâce, et j’aurais plutôt souffert la mort que la vue d’un sujet rebelle ; mais ici-bas il n’y a plus ni sujets ni princes, ni