ouverte ; le portier recevait les voyageurs dans la cour d’entrée, qui ne faisait pas partie de l’enceinte cloîtrée interdite aux laïques.
Quand on sut qui ils étaient, une foule de serviteurs s’empressèrent autour d’eux, et tandis qu’on introduisait le chevalier dans un parloir, on témoignait à sa compagne la plus grande déférence. Elle recommanda les deux chevaux aux palefreniers, car, en dehors du service des femmes pour le cloître, l’abbaye possédait un personnel nombreux de serviteurs et de vassaux. On y donnait l’hospitalité aussi largement qu’en aucun castel du canton.
L’abbaye de Saint-André-aux-Femmes, ainsi désignée pour la distinguer d’un monastère élevé dans la même forêt, sous l’invocation du même patron, mais habité par des moines de l’ordre de Cîteaux, avait été fondée vers le milieu du XVIe siècle, lorsque Geoffroy venait de reconquérir une partie de son duché envahi par les rois de France et divisé en seigneuries distinctes, qui se prétendaient indépendantes. Les deux abbayes, situées entre Argentan et Falaise, s’enrichirent tellement par la suite, qu’un antiquaire ayant réuni la liste des biens, rentes, servages, etc., qui leur avaient été octroyés, en a pu former un volume. À l’époque où se passent les événements que nous rapportons, c’est-à-dire vers la fin du XVIe siècle, elles étaient dans toute leur splendeur.
L’abbesse était une sainte femme, habituée depuis de longues années aux rigueurs du cloître, aux ennuis de la solitude, et qui avait su pourtant conserver un cœur bienveillant pour tous ceux qui souffraient. Morte pour le monde depuis qu’elle avait volontairement suivi sa vocation, elle avait conservé peu de relations avec sa famille : elle connaissait à peine Franck, elle ne connaissait plus Raoul, ainsi que celui-ci l’avait dit à son intendant dans sa criminelle confidence.
Cependant elle avait toujours entretenu une correspondance avec le vieux baron, son frère, qui semblait lire ses lettres avec un intérêt extrême. Il venait souvent, aux jours
