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Page:Féré - Les mystères de Rouen, 1861.djvu/45

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mon père et moi nous devons tout ; mais je ne voudrais pas que vous pensiez que messire Franck est un méchant ou un mauvais frère. Eh bien ! sire Raoul a tous les défauts dont son frère offre les qualités.

— Il est laid ?

— Oh ! non, il est beau au contraire, c’est vrai, mais d’une beauté qui m’a toujours fait peur.

— Je serais désireuse de le voir.

— D’où vous vient cette envie, mon Dieu !

— Mais, c’est toi qui excites ma curiosité par tes folles explications.

— Folles si vous voulez, mais je ne suis pas seule à partager ce sentiment.

— Allons, bonne amie, retourne te reposer ; sois tranquille, je ne parlerai jamais à Franck de Raoul. »

Elle était moins triste déjà, elle croyait avoir trouvé un des secrets qu’elle cherchait ; dans la défense qui lui avait été faite d’aimer Raoul, elle voyait la crainte de son protecteur qu’elle ne s’attachât à un homme indigne d’elle.

Les pleurs d’une jeune fille sont comme la rosée sur une fleur ; il suffit d’un souffle, d’un rayon du soleil, pour tout dissiper. En descendant pour le déjeuner, Hélène avait repris une partie de sa sérénité habituelle.

Franck, de son côté, paraissait plus calme qu’on n’aurait pu l’attendre après les émotions de la veille. Il salua gracieusement ses hôtesses.

« Cela va mieux, dit-il en souriant, vous voilà belle comme toujours, Hélène ; et toi, ma jolie Clotilde, tes yeux n’ont jamais eu plus d’éclat. »

Cependant la conversation resta embarrassée, réduite à des monosyllabes ; malgré leurs efforts, nos trois personnages laissaient percer leurs préoccupations. Dans l’après-midi, vers l’heure où elle était sortie la veille avec Franck, Hélène, qui avait besoin d’être seule avec ses pensées, reprit le chemin qu’ils avaient parcouru. Elle arriva de la sorte jusqu’au ber-