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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/113

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— N’est ce pas, ma chère Violette, que ce devrait être le rôle de toute jeune fille de la société qui n’a rien à faire, qui perd son temps, s’amuse et jouit de tous les conforts de la vie, pendant que nos braves soldats donnent héroïquement leur vie pour nous ? Pendant que ces pauvres et malheureux blessés implorent des secours qui, trop de fois, tardent à venir ou ne viennent pas du tout à cause du manque de personnel dans les hôpitaux et les ambulances ?… qu’en penses-tu, Violette ?

— Je pense, répondit Violette, dont les prunelles claires venaient de briller étrangement aux paroles de sa cousine, je pense que ce serait notre devoir ; et je pense aussi que nous sommes des ingrats, qui ne méritons nullement l’estime de ceux qui souffrent pour nous, quand nous, qui pourrions peut-être amoindrir leurs souffrances. nous demeurons ici les bras bien bonnement croisés !

— Eh bien ! Violette, plus j’y songe, plus j’ai l’envie de suivre l’exemple de mon amie. Et puis pense donc, le voyage ! Un voyage que nous n’aurons peut-être jamais l’avantage de faire ! Visiter l’Angleterre… la France !…

À ces paroles de sa cousine Violette eut dans ses yeux bleus comme un éclair d’indignation. Oui, ces paroles la choquèrent. La légèreté de sa cousine, qui projetait ce voyage plutôt pour le plaisir que pour le dévouement à nos soldats, l’irritait. Elle fut sur le point de la réprimander sévèrement, mais elle se contint.

Et elle se disait, toute palpitante d’une émotion inconnue qui l’envahissait :

— Ah ! moi, si j’y allais là-bas, ce serait pour eux… pour lui !… Oui, lui, d’abord s’il était blessé… les autres après, ses camarades… et les consoler, les soigner, les guérir !

Et, avec ces pensées, sans plus prêter attention au verbiage de sa cousine, Violette se mit à repasser cette idée dans son esprit. Et cette idée, qui devenait un désir violent, faisait battre son cœur à coups redoublés.

Puis elle se répétait :

— Me faire infirmière… oui, c’est mon devoir a moi, comme c’était son devoir à lui de se faire soldat !…

Et, maintenant, au lieu d’en vouloir à sa cousine pour la légèreté de son langage, elle la remerciait du fond du cœur de lui avoir apporté une si bonne inspiration.

— Ah ! j’y songerai… j’y songerai !… se redisait-elle.


Dix heures du soir étaient sonnées quand Harold rentra chez lui.

Aussitôt il fit venir Violette dans son cabinet.