Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/122

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Berthe elle-même, quoique habituée à son patron, n’osait pas toujours le regarder en face : les yeux jaunâtres la brûlaient.

Mais qu’était-ce donc que ce monsieur Gaston ?

Il n’était pas français à coup sûr !

Quel métier ou profession exerçait-il ? D’où venait-il ?

C’est ce que nous saurons bientôt.

Sans contredit, c’était un homme aux allures singulières, sinon bizarres, ne sortant guère que la nuit du trou obscur qu’il habitait, ne recevant jamais personne, car personne ne savait qu’en cette baraque ignorée vivait un certain monsieur Gaston.

Berthe elle-même ne sortait qu’à la nuit tombante et seulement pour aller aux provisions ; et encore ne sortait-elle que très soigneusement voilée. Comme monsieur Gaston, son accent du bords du Rhin la défiait de se faire passer pour française.

La maison — nous l’avons dit — présentait un extérieur délabré et d’aspect misérable tirant un contraste étonnant avec le confort et la propreté de l’intérieur.

Elle était petite, n’ayant, avec sa minuscule cuisine, qu’une salle à manger et un fumoir au rez-de-chaussée, et deux chambres sous le toit.

Monsieur Gaston mangeait de bon appétit un jambon militairement flanqué de deux gardes du corps — l’un de Bourgogne, l’autre de Bordeaux — auxquels de temps à autre il faisait faire le salut militaire.

Depuis un moment, la servante s’était retirée dans sa cuisine où, tout en rangeant, elle chantonnait quelques vieux airs de son pays d’une monotonie toute germanique.

Soudain, juste au moment où monsieur Gaston vidait son verre pour la cinquième fois, trois coups légèrement espacés résonnèrent dans la porte du logis.

Monsieur Gaston tressaillit violemment et arrêta net le verre entre ses lèvres et la table.

Berthe accourut sur le seuil de la cuisine et elle se tint livide et tremblante.

Elle regarda le maître de la maison avec épouvante ; le maître, lui, posa sur sa servante un regard très inquiet.

Les trois coups, qui venaient de retentir dans la porte, avaient été frappés exactement de la façon dont le frappait monsieur Gaston. Ces trois coups, pour Berthe, étaient le mot de passe : elle n’ouvrait la porte qu’au bruit de ces trois coups, assurée qu’elle était de voir apparaître le maitre de céans.