Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/126

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— Vous allez le savoir, répondit le singulier visiteur d’une voix creuse.

Or, ce visiteur nocturne — ce fantôme — était une espèce de moine, long et maigre, perdu presque dans une ample robe noire à cagoule et de cette cagoule émergeait une face glabre et froide percée de deux trous d’où jaillissaient des éclairs.

La robe de ce moine étrange était serrée à la taille par un gros cordon de cuir fauve dans lequel était passé un crucifix d’acier nickelé, éclatant de lueurs métalliques et sinistres, menaçant comme le canon d’un revolver.

La robe du moine avait la coupe d’une robe de franciscain, et dans les larges manches le mystérieux moine gardait ses mains enfouies.

L’apparition était si inattendue, si fantastique que monsieur Gaston se palpait de toutes parts pour se prouver qu’il n’était pas en proie à quelque cauchemar, et qu’il était bien éveillé.

Non… il ne rêvait pas : devant lui se dressait un spectre de moine, et le spectre, maintenant, laissait courir sur ses lèvres blanches un sourire effrayant.

Oui, l’apparition de cet individu était sûrement extraordinaire ! Monsieur Gaston en était tellement frappé qu’il se sentait à la veille de s’évanouir de terreur.

Quoi ! une semblable aventure en plein Paris !… et, ce qui plus est, dans un coin tout à fait perdu de la Capitale !… un coin tout à fait ignoré comme Monsieur Gaston lui-même !… un coin que n’eussent pu découvrir les plus forts limiers de Paris — voire même Scotland Yard !… un coin, enfin, ou monsieur Gaston eût défié le flair du chien-police ! Oui, c’était inconcevable !… Cela n’était pas possible !… Et, pourtant voilà que tout à coup, comme par magie, un inconnu, un homme fait de moine, se trouvait en plein dans la place !… cela outre-passait les extravagances de l’imagination !

Monsieur Gaston avait bien lu autrefois de ces histoires fantastiques peuplées de spectres et de démons, — histoires tombées de la plume plus fantastique encore du romancier.

Il se rappelait — mais non sans éprouver un certain frisson de terreur — l’étonnante apparition du terrible Méphisto à Faust.

Mais pour l’esprit très positif et très matérialiste, jusqu’à ce jour, de monsieur Gaston, les fantômes, revenants, spectres, ne s’étaient jamais trouvés qu’entre deux pages d’un livre. Il ne croyait à rien de toutes ces fantasmagories.

Or, à cette heure, son scepticisme était ébranlé, vaincu peut-être. Monsieur Gaston voyait une ombre infernale se camper sinistrement