Aller au contenu

Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

te, échevelée vers la terre ; et enfin, le dernier et terrifique choc, l’ébranlement complet de la création, l’anéantissement de tout dans un fracas de tonnerres éclatants, de volcans monstrueux vomissant leurs laves ardentes, de mers écumantes qui se jettent avec furie dans l’affreux pêle-mêle…

L’homme qui, dans le calme de sa solitude, pourrait se représenter par l’imagination un semblable spectacle, arriverait peut-être à se faire une idée du formidable éclat et destructif effet de l’artillerie moderne.

Et, chose curieuse, dans la tranchée, sous terre, le vacarme des obus qui éclatent de toutes parts semble encore plus formidable qu’au dehors. Car le sol qui vous abrite, la tranchée invulnérable presque, éprouve à chaque détonation un tressaillement, une secousse qui porte à croire que la terre tout entière va se fendre soudain sous vos pieds et vous engloutir dans un abîme de foudres furieuses. Et cette secousse loin d’être intermittente, devint pour ainsi dire continue ; car les obus de tous calibres se succèdent, se suivent, éclatent, foudroient…

Certains critiques militaires ont dit — justement peut-être — qu’un bombardement de ce genre bien soutenu produisait parfois sur les troupes encore peu aguerries et nouvellement terrées, un effet moral souvent désastreux.

Et encore, ces troupes enfoncées sous terre n’ont-elles qu’une demi-notion de l’ouragan qui passe sur leur tête.

Au dehors, dans la nuit noire, c’est le sinistre hurlement des monstres qui fendent l’espace, qui sifflent, détonnent puis l’aveuglant et foudroyant rayon d’un projecteur électrique — lugubre météore qui sillonne en une seconde l’espace d’un horizon à l’autre — … puis les fusées çà et là montant, hurlant, déchirant la noirceur qui enveloppe le monde terrorisé, — effroyables et gigantesques reptiles de feu rampant avec une rapidité prodigieuse vers des astres invisibles, puis se tordant soudain et vomissant de leurs gueules enflammées des langues de feu qui sèment jusque sur la terre horrifiée des lueurs fantastiques et sanglantes ; semblent s’agiter comme des spectres épouvantés !…

Et, sans trêve, dans la nuit qui reprend tout à coup son voile funèbre, la monstrueuse explosion d’une mine !…

C’est dans de telles circonstances que nous trouvons, un soir de décembre, nos amis du Bataillon Saint-Louis pour la première fois tapis dans une tranchée de première ligne.

Depuis douze heures les Allemands n’ont cessé de faire pleuvoir une grêle d’obus énormes sur ce secteur. Et les tranchées peu à peu se démantèlent en dépit du travail acharné de nos