Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/140

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— Holà ! commanda Constant, dix hommes par ici !

Plusieurs se précipitèrent à l’appel pour se trouver en face d’un nouveau dégât, une véritable montagne de terre, de pierres, de pièces de bois et de sacs de sable enchevêtrés et séparant complètement nos amis du boyau de communication avec les tranchées de l’arrière.

Un obus plus puissant avait atteint le parapet, et tout avait été enfoncé, éventré.

— Pourvu qu’il n’y ait personne enseveli là-dessous ! émit soucieusement le lieutenant. En même temps il jetait un rapide coup d’œil autour de lui.

Il fut aussitôt rassuré : tous étaient là attendant les ordres de leur lieutenant.

— Allons ! s’écria-t-il, un coup d’épaule !

De suite le travail recommença.

Cette fois, un silence complet régna parmi les travailleurs. Dans le fracas des machines de guerre on n’entendait que les ordres des sous-officiers et le cliquetis des outils mêlé au halètement des poitrines. Marion, Bédard, Marcil, le sergent Ouellet, gros gaillard paraissant doué d’une force herculéenne, et quelques autres avaient repris leur première besogne d’étançonnement.

Ceux qui, l’instant d’avant, se reposaient dans les enfoncements de la tranchée sur des lits de paille ou de foin, ou simplement de terre, s’étaient remis à l’œuvre.

À environ cinquante pieds l’une de l’autre, deux Maxims dressaient leurs gueules menaçantes prêtes à vomir leur mitraille, la pipe aux dents, impassibles, tenaient, par les meurtrières leurs regards rivés sur la noirceur de la nuit que perçait de temps à autre la lueur vive et éclatante d’une fusée.

Aux premières clartés de l’aube, le bombardement parut diminuer.

Les obus n’éclataient plus qu’à intervalles éloignés.

Parfois, au loin vers le Sud-Est, les échos apportaient des crépitements de mitrailleuses, et de plus loin encore le grondement sourd des canons français.

Pendant qu’un répit survenait dans un secteur, ailleurs la sarabande commençait ou se poursuivait.

Au petit jour, la tranchée occupée par la première compagnie du Bataillon Saint-Louis était tout à fait remise en ordre, et, tout en fumant une bonne pipe, nos amis attendaient patiemment le café qu’on allait apporter par le boyau de communication.

Ce café, bien chaud, serait un rémédiatif au froid qui se faisait sentir maintenant, surtout