Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/162

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— Savez-vous, mon cher docteur, poursuivit Violette avec une ironie enjouée, que vous êtes excessivement tenace ?

— Que voulez-vous, Violette !… L’amour, selon mon humble avis, est la mère de toutes les vertus.

— C’est-à-dire que chez vous l’amour est synonyme de haine, de vengeance, d’infamie, et c’est ce que vous nommez vertus ! riposta durement Violette qui s’indignait.

— Vous ne me comprenez pas… comme vous ne me connaissez pas…

— Vous voulez dire que je vous connais trop pour que j’aie la faiblesse de satisfaire vos ambitions infâmes. Allons, monsieur le docteur, je ne puis croire que vous puissiez conserver un espoir irréalisable.

— Je suis patient… tenace, comme vous disiez vous-même ; et j’ajouterai, pour votre gouverne, que j’arrive toujours au but que j’ai fixé.

— Ainsi, vous pensez que je serai, un de ces matins, stupide au point de me livrer à vous ?

— Nécessité oblige… prenez garde !

— Que voulez-vous dire ? demanda Violette hautaine et méprisante.

— Que vous importe ?… Il suffit que je me comprenne.

Un instant Violette le considéra d’un œil froid et perçant, comme pour chercher à démêler sur cette figure perverse et railleuse l’intime pensée du docteur. Puis elle eut tout à coup un hochement de tête dédaigneux et demanda :

— Vous vous dites peut-être — et vous appelez cela « nécessité » — que, pour vous empêcher de mettre à exécution vos sombres desseins contre celui que vous savez, j’aurai la générosité de mettre ma main dans la vôtre ?

— Oui… peut-être… répondit le docteur, sans modifier l’expression de sa figure.

Violette ! fit entendre un léger rire de mépris.

— Eh bien, vous vous trompez, dit-elle, je ne serai pas généreuse à ce point…

— Ah ! ah ! fit le docteur qui se mordit les lèvres pour calmer la rage que les paroles de Violette commençaient à faire naître dans son âme diabolique.

— Parce que, continua la jeune fille, vous ne me forcerez pas à cette générosité…

— Pourquoi ?

— Parce que vous n’arriverez pas jusqu’à lui…

— Vous croyez ?

— Parce que je vous arrêterai…

— Vous ?… ricana le docteur.

— Oui, moi… Cela vous fait rire ?

— C’est vrai, et je me demande comment vous vous y prendrez.