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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/186

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— C’est que aussi je suis française… par la langue et le cœur !

— Vrai ? s’écria l’abbé ravi. Mais… il y a encore — oh ! je ne veux pas froisser vos sentiments, ni vos opinions… mais… (ici il hésitait) mais… vous n’êtes pas catholique !… ceci, c’est une grave raison…

— C’est vrai… mais je le serai quand il voudra !… répondit Violette avec ardeur.

— Vraiment ?… s’écria l’abbé avec admiration.

— Si bien, monsieur l’abbé, poursuivit Violette avec un petit air demi fâché, que, pour avoir douté de moi, — pour avoir fulminé contre moi, comme vous disiez, — si bien que je vous imposerai la pénitence de m’instruire dans votre religion et de me baptiser ensuite.

— Ah ! mademoiselle Violette, s’écria l’abbé profondément ému, quelle douce et sublime pénitence !… Ce jour-là sera le plus beau de ma vie, et j’en remercierai le bon Dieu éternellement !…

L’entrée de quatre personnages militaires mit fin à cette conversation. L’abbé au premier coup d’œil reconnut deux officiers supérieurs de l’État-major anglais accompagnés de deux officiers subalternes des régiments canadiens.

Violette, l’abbé Marcotte et Jules considérèrent curieusement les nouveaux venus.

Ils virent un officier canadien s’approcher d’un infirmier et lui dire quelques mots, et, à leur grande surprise, ils virent cet infirmier indiquer à l’officier le lit où reposait Jules Marion.

Une même pensée de joie anxieuse vint à l’esprit de Jules, de Violette et de l’abbé : c’était une décoration qu’on apportait au cher blessé !

Les quatre officiers s’approchèrent. Violette et l’abbé s’écartèrent respectueusement.

Et à ce moment, l’abbé qui venait de lire sur les physionomies graves et solennelles des quatre officiers, tressaillit d’une émotion inquiète : ces quatre physionomies étaient de mauvais augure.

Jules, tremblant de joie ou de crainte — il n’eût certes pu le dire — les regardait venir.

Trois des officiers s’arrêtèrent au pied du lit de Jules, tandis que le quatrième, dont on reconnaissait le grade de général, s’avança jusqu’au chevet.

Un moment, il considéra le blessé d’un regard dur et froid, puis il demanda d’une voix rude.

— Vous êtes Jules Marion ?

— C’est moi-même, répondit Jules très surpris de ce ton.

— Jules Marion, dit le général, vous êtes accusé d’espionnage au profit des Allemands !

— Moi ?… cria Jules avec une stupeur infinie.

— Jules Marion, poursuivit le général sur le même ton, vous êtes accusé d’entretenir des