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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/19

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Il avait alors vingt-quatre ans.

Tout d’abord, l’abbé Marcotte avait cru découvrir dans son jeune protégé des dispositions pour la prêtrise. Plus tard, il avait trouvé chez le jeune homme des idées tout à fait différentes ; il avait cru entrevoir que Jules possédait des goûts prononcés pour l’enseignement laïque.

Mais le jour où le jeune homme eut terminé ses études, l’abbé Marcotte voulut en avoir le cœur net.

— Eh bien ! mon garçon, demanda-t-il avec un accent vraiment paternel, qu’est-ce que nous avons l’intention de devenir ?

Jules secoua la tête.

— Monsieur l’abbé, répondit-il, vous me posez justement une question que depuis assez longtemps je débats avec moi-même ; je n’ai pu m’arrêter encore au choix définitif d’une carrière.

— Oh ! oh ! fit le prêtre, qui demeura méditatif.

— Monsieur le curé, reprit Jules Marion, vous savez toute la gratitude que j’ai pour vous, et c’est par crainte de vous paraître un ingrat que je n’ai pas encore décidé de ma carrière. Franchement je vous l’avouerai, j’ai redouté de détruire une espérance que vous auriez peut-être conçue à mon sujet.

— Ah ! mon cher ami, répliqua vivement l’abbé, il ne faut pas avoir de ces craintes. Je n’ai jamais songé à influer son ton avenir, et Dieu me garde de le faire jamais ! Jules, il faut suivre tes goûts, tes aptitudes, tes inclinations… aller là où tu te sens appeler, profiter et faire profiter le plus possible tes compatriotes, ton pays, ta religion, de la belle instruction que tu as acquise. Je m’empresserai d’approuver ton choix, certain que tu auras bien choisi.

Le jeune homme avait alors demandé un délai, le temps de plus ample réflexion… qu’il s’étudierait… qu’il chercherait.

Et l’abbé Marcotte avait répondu :

— Mon enfant, pour mieux choisir, il n’y a rien comme le voyage. Ça consolide l’instruction, ça donne des idées nouvelles, ça ouvre a l’esprit des horizons inaperçus et insoupçonnés. Enfin, le voyage, selon moi, c’est ce qui achève tout à fait l’instruction… c’en est le vernis ! Ah ! le voyage !… s’écriait-il comme il a manqué à beaucoup d’autres également ! Mon garçon, ajouta l’abbé, je ne veux pas faire les choses, à moitié : tu vas aller faire un voyage, là où tu voudras. Néanmoins, je te conseillerai un peu d’États-Unis, pas mal de France, beaucoup d’Italie.

Disons que l’abbé Marcotte était un fervent admirateur de la terre de Raphaël.

Et Rome, donc !

Il était allé à Rome une fois.