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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/311

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Une clameur imposante — clameur sortie de cinquante mille poitrines qui domine le bruit des fanfares — monte jusqu’aux cieux pour saluer le retour des héros.

Et ces héros, si impatiemment attendus, apparaissent enfin précédés et suivi de fanfares qui jouent avec un enthousiasme entraînant des airs militaires. Et alors, ces héros — au nombre de deux cents — ces guerriers, glorieux descendants du grand peuple français dont ils portent les couleurs sur leurs poitrines, frémissent d’une joyeuse émotion.

Ils défilent, tous beaux, tous superbes, tous héroïques.

En tête marchent les derniers « Terribles » survivants du bataillon Saint-Louis, précédés du lieutenant Marcil portant son bras droit en écharpe — du sergent Ouellet marchant à l’aide de béquilles — et du caporal Bédard qui, non encore remis de ses coups de baïonnette, se jure de retourner là-bas pour régler son compte avec les Boches.

Et suivent deux cents autres tous blessés presque tous des infirmes ; les uns s’appuyant sur des cannes, d’autres sur des béquilles, d’autres encore soutenus par des camarades et d’aucuns ne sont plus que des ruines humaines ! Et cette troupe de glorieux blessés — les Grands Mutilés de la nation Canadienne-française — avance lentement, péniblement… mais fièrement !

Et malgré leurs souffrances et leurs fatigues qu’on voit peintes sur leurs traits hâlés et amaigris, tous gardent à leurs lèvres un sourire d’indomptable énergie !

On les avait trouvés beaux nos soldats quand, au départ, ils avaient défilé devant le Tout-Québec délirant de folle joie patriotique ; mais combien plus beaux ils revenaient des fonds baptismaux du champ de bataille !

Mais ce qu’il y a de plus beau chez nos braves, ce ne sont pas ces visages bronzés et maigres — ce ne sont pas ces habits déchirés et rapiécés qui gardent le souvenir des luttes immortelles — ni ces membres perdus, ni ces bras en écharpe, ni ces bandeaux d’éclatante blancheur — ce ne sont pas, non plus, ces barbes hérissées, ni ces moustaches relevées en pointes menaçantes — Non !… Ce qu’il y a de plus beau chez nos troupes de glorieux mutilés, ce sont les yeux ! Oui ces yeux qui lancent les farouches éclairs — ces yeux chargés de regards ardents et terribles — regards qu’on dut leur voir au moment des grandes charges, lorsque, d’un impétueux élan, ils fonçaient dans la fournaise !

Oui ce sont ces yeux-là que regarde la foule — ces yeux-là qui la regardent.

Et ils passent ces beaux blessés ces Grands Mutilés emportant avec eux les louanges et l’ad-