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Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/68

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affirmant que vous aimez sincèrement et honnêtement ma fille. Mais un aventurier de votre espèce, un ennemi déclaré de tout ce qui est anglais, va-t-il s’énamourer d’une fille anglaise ? Mais ce serait d’une inconséquence vraiment stupide. Et je ne puis croire que vous ayez eu la pensée que le père serait idiot au point de vous léguer sa fortune en vous donnant sa fille. Ah ! on vous a dit honnête, intelligent, généreux… Quelle plaisanterie ! Car moi je ne découvre dans votre infâme personnage que le plus abominable des coquins. Tenez ! cet uniforme, que vous vous applaudissez d’avoir revêtu pour vous donner des apparences de héros, je ne sais ce qui me retient de vous le déchirer au dos. Car je vous le répète, vous n’êtes qu’un malfaiteur, un reptile qu’il faut écraser !

Sous cet avalanche d’outrages et d’injures, Jules par un merveilleux contrôle de lui-même garda son sang-froid. Ah ! c’est qu’à toutes ces insultes, à toutes les bassesses où se laissait aller le puissant et respectable Harold Spalding — bassesses, d’ailleurs, que seules la rage et la haine lui inspiraient — qui, en face de toutes ces dégradantes insultes, Jules entrevoyait sa revanche, et cela lui suffisait pour lui faire conserver son calme.

Et ce calme exaspérait Harold plus que ne l’eût fait une riposte d’invectives.

— Défendez-vous donc ! hurla-t-il. Tâchez de me prouver que je ne vous dis pas la vérité !

— À quoi bon ? puisque ma conscience demeure tranquille, puisque je comprends que je suis complètement perdu dans votre opinion. Je regrette seulement d’être venu vous faire des excuses.

— Des excuses ? interrogea Harold dont la curiosité s’éveilla.

— Oui, reprit Jules avec un sourire amer. Je ne voulais pas partir pour là-bas sans venir vous dire que je regrette l’acte un peu vif auquel je me suis laissé aller ce matin. Ah ! que voulez-vous ? Ce prêtre vénérable entre tous, monsieur, m’est aussi sacré qu’un père… je l’ai défendu.

Ces paroles firent naître dans l’esprit du millionnaire une pensée sinistre. Il haïssait tellement ce jeune homme qu’il ne comprenait pas [illisible]me l’acte de générosité dont il faisait preuve [illisible] venant à cet homme, qu’il savait son ennemi, offrir des excuses. Certes, Violette était bien pour quelque chose dans cette démarche, mais qu’importe ! L’antipathie et les préjugés surtout d’Harold ne lui faisaient voir dans ce modeste [illisible] que l’être le plus vil. Et c’est aux paroles de Jules relatives à la scène du matin, c’est au souvenir du terrible coup de poing, que ses projets de vengeance, un instant oubliés, affluèrent brusquement à son esprit.