Page:Féron - La revanche d'une race, paru dans L'Étoile du Nord, 1927-1928.djvu/79

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Et elle se prit à réfléchir profondément. Penchée à la fenêtre de sa chambre Violette laissait errer ses regards soucieux sur les arbres du parc qui s’étendait derrière la demeure de son père.

Longtemps elle demeura ainsi absorbée par la solution d’un problème quelconque. À la fin elle fit un mouvement et secouant la tête avec un air déterminé, elle murmura :

— Oui, j’irai voir Randall ce soir, et je tenterai de lui faire abandonner ses infâmes projets médités contre Jules !


Le docteur Randall habitait, rue Murray, un petit appartement de trois pièces : une salle servant d’antichambre, un cabinet de consultations, une chambre à coucher.

Il n’était pas riche, nous l’avons dit ; et la clientèle était petite. Par économie, il prenait ses repas dans les restaurants à bon marché, et, peut-être, pour obéir à cette économie le docteur se voyait-il contraint de sauter un repas par-ci par-là…

C’est donc devant cette maison de la rue Murray que Violette, ce même soir, vint s’arrêter.

Il passait sept heures. D’un ciel chargé de nuages opaques la nuit tombait plus tôt. La température, pleine d’orage, demeurait morne et lourde. Sur la rue, les citadins paraissaient chercher l’air qui manquait sous les toits brûlants de la Capitale.

Là où les maisons possédaient une pièce de parterre, souvent pas plus grande que la main on trouvait les habitants réunis humant à l’envie les premières ondes de fraîcheur apportées par la nuit.

Or, cette habitation de la rue Murray possédait une petite cour qui l’écartait de la rue, et la cour était entourée d’une clôture de palissade.

Violette s’arrêta devant la grille de la palissade. Ses regards se posèrent sur un écriteau apposé à l’un des piliers de la véranda qui décorait la façade de la maison. Elle lut le nom suivant :

« Docteur Randall »

En même temps elle perçut des visages étrangers, des yeux curieux se poser sur elle. Sous les premières ombres crépusculaires Violette distingua des silhouettes humaines groupées sous le jeune feuillage de la cour.

À la vue de cette jeune personne s’arrêtant comme gênée devant la grille, une grosse femme — la maîtresse de maison — s’approcha avec un sourire mielleux.

— Est-ce le docteur que vous désirez voir mad… mademoiselle ? Et les regards sournois de la femme détaillaient à la hâte la physionomie de Violette.

Elle fit cette question :