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Thérèse. Elle le reconnut de suite, car le jeune homme lui avait souri.

Devant l’apparition du général Murray, Aramèle s’était reculé, frémissant et menaçant, et sans abandonner sa rapière sanglante.

De la main Murray lui fit un geste qui pouvait signifier :

— Allons ! rengainez, capitaine, la bataille est finie !

Et il s’arrêta auprès du cadavre de Hampton qu’il se mit à considérer en silence.

Alors le jeune inconnu se pencha vers lui et murmura quelques paroles mystérieuses.

Murray jeta un rapide regard sur Étienne, Léon et Thérèse qui ne détachait pas ses yeux brillants de l’inconnu. Il regarda plus longuement l’orpheline, sourit et se tourna brusquement vers les soldats pour commander :

— Allons ! emportez ces cadavres et sortez de cette maison.

Parks qui, suant encore de rage, s’était avancé près du général, demanda en désignant avec mépris Aramèle et ses amis :

— Et ces gens ?

— Ces gens, répliqua froidement Murray, ont été attaqués sans cause ni raison aucune et ils se sont bien défendus. Allez ! Sir Georges, faites exécuter mes ordres ! ajouta Murray sur un ton impératif.

Puis il sortit suivi de l’inconnu qui, de nouveau, avait doucement souri à Thérèse.

Les soldats emportèrent les cadavres dehors, et la foule du peuple, ahurie et stupéfiée, s’éclipsa dans la nuit sans bruit.

Restés seuls, nos amis s’entre-regardèrent avec une sorte d’étonnement doux et comme s’ils s’étaient trouvés au sortir d’un rêve.

Aramèle poussa un long soupir, brandit sa rapière et cria :

— Pour la France !…


Fin de la deuxième partie

Troisième partie

LE TOURNOI

I


Les événements de cette nuit de novembre avaient suscité bien des commentaires dans la ville d’abord, et par tout le pays ensuite. Les ennemis de la race avaient élevé une voix vengeresse contre le massacre fait par le capitaine Aramèle au King’s Inn et en sa salle d’armes. La tête du capitaine avait été exigée. Quelques jours plus tard une délégation des notables anglais de la cité, conduit par le major Whittle à peine remis du coup d’épée d’Aramèle, s’était présentée devant le gouverneur pour lui demander de chasser du pays ce Français réfractaire qui, disaient les notables, devenait un perpétuel danger pour la paix de la ville et des campagnes. Des membres de cette délégation voulurent exiger du gouverneur un procès au capitaine français.

Le major Whittle, qui se doutait bien que Murray professait pour Aramèle une certaine sympathie, ne voulut pas trop insister de lui-même par crainte de s’aliéner les bonnes dispositions du gouverneur à son égard. Il avait proposé ceci :

— Il importerait tout au moins, Excellence, qu’on le désarmât et qu’il n’eût plus le droit de porter une épée !

— Soit, avait répondu Murray avec un fin sourire, je vous abandonne ce soin, major, désarmez-le !

Whittle se souvint du projet qu’il avait élaboré et qu’il avait confié ensuite au lieutenant Hampton : projet qui consistait à faire mesurer Aramèle avec Spinnhead en champ clos. Il répliqua au général :

— J’aurais un plan fort simple à vous soumettre à ce sujet, dit-il en hésitant ; et si vous daignez me le permettre, je viendrai un jour vous entretenir de ce projet.

— Ah ! fit le gouverneur avec un étonnement amusé, vous avez un plan qui soit capable de désarmer le capitaine ?

— Pour le désarmer en douceur, oui, Excellence.

Murray demeura sceptique.

Mais toutes ces suggestions ne paraissaient pas satisfaire tous les notables. Quelques-uns demandèrent tout simplement qu’on bannît Aramèle, Étienne Lebrand et sa sœur, ainsi que la famille DesSerres. On chercha à représenter M. DesSerres comme un dangereux agent, un agitateur aux gages de la France.

Devant l’insistance et les clameurs Murray allait peut-être se laisser aller à quelque terrible injustice, lorsque ce jeune inconnu, qui avait arraché Thérèse des mains de Hampton et qui était intervenu en l’affaire de la basse-ville, parla quelques minutes à voix basse à l’oreille de Murray.