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— Mensonge ! hurla Whittle en faisant un geste énergique de dénégation.

— Whittle, prenez garde, nous avons des témoins. Aujourd’hui même vous avez ourdi la trame d’enlever cette jeune fille. Vous avez profité des circonstances qui semblaient favorables pour perpétrer votre crime. Vous avez aposté des gens à vos gages pour s’introduire au sein d’une foule de citoyens paisibles, et pour y frapper de leurs poignards M. DesSerres, son fils et Étienne Lebrand. Il était dans votre complot que le capitaine serait frappé d’une autre façon et dans un autre lieu, parce que vous avez eu peur que ce lion ne fût manqué et qu’il ne vous dévorât. Vous avez prémédité un enlèvement qui n’était qu’un piège pour attirer le capitaine dans une embuscade où vous l’avez fait tuer à coups de fusil. Vous étiez masqué, mais vous avez été reconnu.

— C’est une infamie, cria Whittle avec force, je suis innocent !

Au même instant, une porte s’ouvrait et par cette porte un homme, vêtu d’un long manteau et portant un masque de velours noir sur son visage, entra. Il s’approcha de Murray et prononça d’une voix tragique en désignant le major Whittle :

— Excellence, je reconnais bien l’homme qui a été l’âme du noir complot de cette nuit, l’homme qui a fait assassiner le capitaine Aramèle.

— Ah ! c’est vous qui…

Le major se tut aussitôt par crainte de prononcer des paroles qui le condamneraient. Mais pourtant il sentait la peur l’envahir, et instinctivement, comme s’il eût cherché une issue pour s’enfuir, il jeta un rapide regard autour de lui. Il vit, debout et le regardant avec haine et mépris, les deux femmes qu’il avait vues pleurer, et l’une d’elles était Thérèse. Tout son être trembla affreusement.

— Oui, reprit l’inconnu, je suis celui qui ai surpris votre trame ; malheureusement, je suis arrivé trop tard pour sauver vos victimes.

— Vous êtes un menteur et un imposteur ! cria Whittle hors de lui.

— Ah ! ah ! se mit à rire l’inconnu. Regardez-moi donc un peu et dites encore que je suis un imposteur !

Il enleva son masque.

Thérèse jeta un cri de joie et de reconnaissance.

Whittle tomba à genoux, et devant lui se dressait, la physionomie terrible et vengeresse, le jeune duc de Manchester.

— Grâce, Monseigneur, balbutia le major frappé du vertige de l’épouvante.

Le duc regarda Mme DesSerres et Thérèse pour les consulter du regard. Les deux femmes, pour toute réponse, s’agenouillèrent à nouveau près des cadavres.

Alors le duc se pencha vers Whittle, écrasé et pantelant, et murmura :

— Elles seules pourraient vous accorder la grâce que vous implorez, mais elles en sont incapables parce qu’elles souffrent trop.

— Oh ! s’écria Whittle avec folie, j’irai me traîner à leurs pieds…

Murray l’interrompit rudement en commandant aux soldats :

— Allez ! exécutez vos ordres !

Whittle jeta un hurlement et fit un bond énorme comme pour échapper au châtiment qui l’attendait.

Mais les soldats s’étaient jetés sur lui, et après une courte lutte il fut garrotté et entraîné hors de la salle.

Un long silence suivit.

Tout à coup les deux femmes s’entre-regardèrent avec surprise : elles venaient de s’apercevoir qu’elles étaient seules.

À la seconde précise plusieurs coups de feu éclatèrent dehors comme un seul, et le même silence tragique se fit à l’intérieur.

Mme DesSerres et Thérèse tressaillirent vivement, et elles comprirent que leurs morts étaient vengés.

Peu après, la porte du fond s’ouvrit doucement, une ombre humaine s’avança vers les deux femmes… une ombre pâle et chancelante, mais souriant doucement.

Mme DesSerres et Thérèse se jetèrent dans ses bras…

C’était Léon !


FIN