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Liban et le pin-parasol des collines romaines. Çà et là, encore, des statues de bronze représentant pour la plupart des dieux et les déesses de l’Olympe, se dressaient dans un fouillis de fleurs et d’arbrisseaux. Bref, ce parc était un chef-d’œuvre d’horticulture. Une haute clôture surmontée de tiges de fer très aiguës cerclait le parc et prévenait toute intrusion.

On disait le docteur Jacobson fort riche. On disait également qu’il avait découvert un remède infaillible appelé LE PHILTRE BLEU. Cette découverte avait suffi pour établir la célébrité du docteur. Il est vrai de dire que ce Philtre Bleu n’était pas encore sur le marché. Le docteur l’avait découvert, mais il ne l’avait pas encore livré à l’humanité souffrante. Pourquoi ? Pour la simple raison que ses expériences avec ce Philtre Bleu n’étaient pas tout à fait terminées. N’importe ! on savait que le remède existait, et cela suffisait pour faire admettre la haute science du docteur et faire reconnaître son génie.

C’était le 15 décembre, c’est-à-dire quatre jours après la décision de messieurs Godd, Hamm & Quik d’éclaircir le mystère de la rue Sherbrooke.

Il était environ neuf heures. Le docteur Jacobson travaillait déjà dans son immense cabinet du rez-de-chaussée. Des quatre hautes croisées qui recevaient la clarté du jour, deux donnaient sur la rue, et deux sur un côté du parc. Le parc, à cette saison, n’avait plus ses beautés des jours printaniers : la neige y avait semé le deuil. L’orme et le peuplier dressaient vers le ciel brumeux des bras maigres, décharnés, couverts de givre. Les statues de bronze n’étaient plus là : on les avait installées dans la grande salle de réception. Quant aux fleurs, elles avaient été mises à l’abri des froids et des gelées dans une belle et grande serre placée du côté de l’Est.

Le docteur écrivait, une cigarette aux lèvres.