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les Français, ou, tout au moins, les Canadiens !

— Au contraire, mademoiselle, reprit Foxham avec un sourire ambigu, j’estime beaucoup les Canadiens ; vous en avez bien la preuve lorsque je vous…

— Oh ! moi, monsieur Foxham, j’ai toujours pensé que je suis une exception !

Elle riait ingénument.

Foxham la regarda longuement et avec une admiration de plus en plus grandissante.

— Oui, murmura-t-il avec une sorte d’ivresse intérieure que traduisaient librement les rayons de ses yeux noirs, vous… vous êtes exceptionnellement belle !

— Je me rappelle, sourit Louise, que vous m’avez déjà, une fois ou deux, dit la même chose !

— Je la répète… et je veux la répéter même au point de me rendre banal. Et je vais vous répéter encore que je…

— Monsieur Foxham, interrompit Louise en riant candidement, je vous préviens que vous allez briser tout le charme que j’éprouve à demeurer ainsi avec vous !

Foxham rougit violemment et balbutia :

— Mademoiselle, vous avez parfois une façon de dire certaines choses…

— Non pas une façon qui vous déplaise, j’espère ?

— Elle pèche par manque de sincérité.

— Mais non…

— Si fait… qu’avez-vous à me repousser le plus souvent ?

— Parce que vous vous avancez trop ! rit doucement Louise.

— C’est vrai, répliqua narquoisement Foxham. Ce n’est pas ma faute, j’oublie toujours qu’il y a l’autre !

— L’autre ?… fit naïvement Louise en reprenant son sérieux et en regardant Foxham avec attention.

— Oui… Saint-Vallier !

— Mais… il est mort ! fit Louise avec une profonde gravité.

— Mort !… s’écria Foxham en sursautant.

Il demeura un moment tout effaré. Mais le sourire légèrement amer de Louise lui fit retrouver son attitude d’avant.

— Je dis mort, monsieur Foxham, parce que c’est tout comme. Car je crois bien que Saint-Vallier, que les autres… que, aussi, votre… nouveau prisonnier…

— Mon nouveau prisonnier ? fit avec surprise Foxham.

— Monsieur Du Calvet, oui… Je crois bien que ces pauvres misérables sont à peu près morts… car un jour ou l’autre ils seront condamnés et exécutés !

— Quoi donc vous fait croire ça ? Mais d’abord… pardon ! vous dites « mon prisonnier », pourquoi ?

— Ai-je dit votre prisonnier ?… Je voulais dire « vos prisonniers » !

— Mais ils ne sont pas mes prisonniers, mademoiselle, je ne suis qu’un subalterne et j’obéis aux ordres qu’on me donne, rien de plus !

— Et vous agissez à contre-cœur ?

— Je vous le jure.

— Et, s’il n’en tenait qu’à vous-même, les cachots déjà trop remplis seraient tous ouverts ?

— Je vous prie de le croire.

Louise regarda le jeune homme avec un sourire sceptique et demanda encore :

— Vous videriez tous les cachots…

— Tous, je vous le répète, mais uniquement pour vous faire plaisir !

— Ah ! pour me faire plaisir… et même celui de… ?

Foxham comprit.

— Même celui-là, affirma-t-il… mais à une condition !

— Laquelle ?

— Que… qu’il disparaisse !

— Le cachot ? se mit à rire Louise.

— Non… le prisonnier qui est dedans !

— Ah !… et s’il disparaissait ?

— Mais auparavant je poserais une deuxième condition…

— Voyons ! fit négligemment Louise.

— Vous la connaissez bien ?

— Dites quand même, je peux confondre.

— Rappelez-vous la demande que je vous ai faite le printemps dernier.

— Je me la rappelle, monsieur, répondit gravement Louise ; mais rappelez-vous également que je vous ai demandé un an pour réfléchir !

— Un an… se mit à rire Foxham avec ironie. Dans un an, pensiez-vous, l’autre aurait tout le temps de se faire libérer ?

— L’autre encore ?… s’écria avec un emportement simulé la jeune fille. Vous croyez donc bien ?…

— Tant qu’il vivra, mademoiselle, je croirai !

— Ah ! monsieur, vous devenez insupportable ! Reconduisez-moi au salon !

— Pardon ! demeurez… Je vous ai dit que j’ai quelque chose de particulier dont je veux vous entretenir.

— Eh ! mais, s’écria Louise avec impatience, dites-le bien vite ce quelque chose ! Voilà un quart d’heure que nous perdons notre