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venus à découvrir son cachot à bord du « Requin ».

— Vraiment ? Je n’avais pas appris cela.

— C’est qu’on a tenu la chose secrète autant que possible. Mais depuis lors le gouverneur a fait enfermer ce pauvre Du Calvet dans un cachot ignoré de tout le monde.

Louise se mit à rire.

— Pourquoi ris-tu ainsi ? demanda Margaret.

— Parce que cette fois-ci le pauvre homme va bien mourir de faim.

— Pourquoi ?

— Si son cachot est ignoré de tout le monde ?

— Oui ignoré de tout le monde, c’est vrai, affirma Miss Margaret avec une grande conviction. Mais, je dis de tout le monde, sauf, bien entendu, du gouverneur, de Foxham…

— Tiens, en voilà deux déjà !

— De son gardien, naturellement…

— Trois, fit narquoisement Louise. Puis elle éclata de rire et ajouta : — Maintenant prends garde qu’il n’y ait un quatrième, et alors ce ne sera plus du tout « tout le monde » !

Margaret Toller se pencha à l’oreille de Louise et murmura :

— Eh bien ! oui, il y a un quatrième… moi !

— Toi ?…

— Oh ! j’ai surpris le secret par pur hasard. Mais je n’en ai jamais soufflé mot, et toi, prends bien garde de ne jamais me trahir.

— Pauvre enfant, répliqua Louise, quel intérêt aurais-je à te trahir ?

— Je n’en ai rien dit, tu penses bien, à mon cousin. Un soir, que j’étais allée le relancer à sa caserne, je l’ai surpris revenant de la cave où sont les cachots… deux cachots secrets !

— Vraiment ?

— J’ai donc déduit que dans l’un de ces cachots il y avait ce Du Calvet.

— Oh ! il y a longtemps… mon cousin me les avait fait voir… brrr…

— C’est donc bien affreux ?…

— C’est épouvantable… dans la plus profonde noirceur, dans l’humidité, parmi la vermine, dans… brrr…

— Pauvre malheureux, je le plains ! soupira Louise.

— Qui plains-tu ?

— Ce… Du Calvet !

— En effet… s’il est là !

— Ces cachots ne reçoivent donc pas l’air ?

— L’air de la cave… pas de fenêtres, tu comprends ? Il n’y a qu’une sortie comme il n’y a qu’une entrée : par la chambre de mon cousin où se trouve une trappe.

— Si ce n’était pas si barbare, on pourrait croire que c’est presque ingénieux, ces cachots ! se mit à rire Louise.

À cet instant M. Darmontel venait chercher sa fille pour quitter le château.

Les deux jeunes filles s’embrassèrent, et Louise sortit du salon au bras de son père.

En pénétrant dans le vestibule elle croisa Foxham, qui lui jeta un long regard d’amour. Louise lui décocha un sourire charmant.

Dix minutes après elle et son père quittaient le Château et prenaient le chemin de leur demeure.

— Mon père, dit Louise, je possède le grand secret !

— Le cachot de Du Calvet ? demanda avec une forte émotion Darmontel.

— Oui, aux casernes de la rue Champlain ! Et le geôlier, devinez-vous qui il est ?

— Non.

— Foxham !

— En ce cas, hâtons-nous d’arriver afin que Pierre aille informer Saint-Vallier de la chose. Car, tu le sais, on va commencer le procès de Du Calvet la semaine prochaine, et, autant que j’ai pu en apprendre ce soir, il est à peu près certain qu’on va le condamner à au moins dix années de réclusion.

— Il est donc urgent de le sauver au plus tôt.

— Demain, si c’était possible, répondit M. Darmontel.


XI

DRAMES DE NUIT


Il était deux heures de nuit lorsque M. Darmontel et sa fille entrèrent dans leur demeure.

Dans un petit salon ils trouvèrent Pierre Darmontel en compagnie d’un jeune homme, presque un adolescent, aux yeux sombres, au visage pâle et défait.

Devant Darmontel et sa fille le jeune homme s’inclina gravement.

Pierre le présenta.

— Mon père, dit-il, voici monsieur Louis Du Calvet, le fils de ce malheureux père que nous essayons de sauver.

Le jeune homme s’inclina de nouveau.

— Et voici ma sœur ! ajouta Pierre en désignant Louise.

La jeune fille sourit gracieusement à ce grand et fier jeune homme.

— Ah ! mon cher enfant, nous avons tout