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LES CACHOTS D’HALDIMAND

placé à la tête. Ainsi, la pesanteur du boulet devait entraîner le corps humain tête première dans la profondeur de l’océan.

Lorsque les deux corps furent ainsi enchaînés, Foxham donna un nouvel ordre.

Les quatre hommes s’emparèrent de Du Calvet, Foxham ouvrit la porte et précéda ces hommes dans un long couloir vers l’arrière du navire. Au bout de quelques minutes le funèbre cortège s’arrêta. Foxham ouvrit un panneau dans le flanc du navire. La mer encore démontée soulevait ses flots furieux. Du Calvet fut introduit dans le trou, tête première, puis poussé et lâché dans l’abîme !

Foxham referma le panneau violemment au moment où une vague géante se ruait contre le navire.

— À l’autre ! commanda-t-il d’une voix rude.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Tandis que le navire continuait sa course incertaine vers la terre canadienne, Du Calvet et son fils gisaient au fond de l’océan victimes de la vengeance anglaise !…


VI

LE JUSTE CHÂTIMENT


Le 25 septembre de cette année 1785 — c’était un dimanche — date à laquelle Du Calvet avait été arrêté par Foxham aux Trois-Rivières, par une nuit noire et orageuse, un petit navire à deux mâts quittait Québec et prenait la route de l’est.

Il y a dans ce navire une petite salle drapée de noir qu’éclairaient deux flambeaux de cire placés sur une table au centre.

Au fond de la salle, sur un banc quatre personnages sont assis, immobiles et silencieux. Ces personnages sont vêtus de longs manteaux noirs, un capuchon est rabattu sur leurs têtes et l’on ne découvre que l’éclat de leurs yeux.

Au mur un crucifix est attaché, et sous le crucifix est placé un gong avec un marteau que retient une cordelette.

L’un de ces personnages se lève, saisit le marteau et frappe le gong.

Ce gong a paru résonner lugubrement.

Le personnage s’est rassis.

Peu après, par une porte latérale un homme, portant également un manteau noir et la tête encapuchonnée, paraît et attend qu’on l’interroge.

— Tout est-il prêt ? demande d’une voix grave celui qui a frappé le gong.

— Oui, monsieur !

— En ce cas, introduisez le prisonnier !

Un grand silence règne durant quelques minutes, l’on ne perçoit que le vent qui siffle au dehors.

Puis deux hommes, à manteaux noirs et à capuchons, entrent poussant devant eux un homme en chemise, tête nue, livide, tremblant, mains liées derrière le dos.

Cet homme, c’est Foxham.

— L’avez-vous désarmé ? interroge l’homme qui semble présider cette tragique cérémonie.

L’un des hommes fouille vivement les poches de Foxham et en tire un pistolet qu’il dépose sur la table.

— Bien ! dit le président.

Puis il s’approche de la table, regarde en face le prisonnier et prononce d’une voix grave :

— Daniel Foxham, vous apparaissez ce soir devant un tribunal qui va vous demander compte du sang répandu par vos mains et dicter le châtiment que vous méritez.

Foxham éclata d’un rire nerveux et répliqua :

— Beau tribunal, en vérité ! Vous m’avez attiré hier dans un traquenard, vous m’avez jeté dans un cachot infect, et cette nuit vous me mettez en présence d’une bande de meurtriers ! C’est une superbe parodie !

L’autre ne répondit pas. Il fit un signe à l’un de ses compagnons assis à sa gauche et dit :

— Pierre Chartrain, parlez !

Le personnage ainsi désigné se leva, marcha jusqu’à la table, regarda Foxham et dit :

— Moi, Pierre Chartrain, ami intime de Pierre Du Calvet, j’accuse devant le Christ et devant les hommes le lieutenant Daniel Foxham d’avoir fait assassiner, en sa demeure aux Trois-Rivières, madame Pierre Du Calvet !

Il rejeta son capuchon en arrière et alla reprendre sa place.

— Margaret Toller ! appela le président.

— Moi, Margaret Toller, j’accuse devant le Christ et devant les hommes le lieutenant Daniel Foxham d’avoir assassiné Pierre Darmontel !

Et Miss Margaret renvoya en arrière son capuchon.

— Louise Darmontel ! appela encore le président.

La jeune femme dit :

— Moi, Louise Darmontel, épouse de Hector Saint-Vallier, j’accuse devant le Christ