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LES TROIS GRENADIERS

qui les avait aimés autant que peut aimer un père.

L’ancienne cabaretière, la mère Rodioux, mourut à Québec en 1765 léguant son fonds de commerce et les écus amassés à sa servante fidèle Rose Peluchet. Celle-ci épousa en 1767 ou 1768 un grenadier d’origine écossaise… Était-ce en souvenir des trois grenadiers qu’elle avait tant admirés ? Mais le fait n’est point bizarre ; on sait qu’un grand nombre d’Écossais, de Suisses et d’Allemands restés au pays après la guerre de Sept Ans et les guerres de l’indépendance américaine, préférèrent épouser des canadiennes que des anglaises ou femmes d’autres nationalités, de sorte qu’ils contribuèrent à l’accroissement de notre race à laquelle ils s’assimilèrent pour la plupart si parfaitement, qu’aujourd’hui on ne pourrait dans nombre de nos paroisses canadiennes séparer leurs descendants du reste de la race… ce n’est plus qu’un même corps et qu’une même âme.


Terminons enfin ce récit par une courte note sur les deux grenadiers Pertuluis et Regaudin. Quelques années après la cession du pays à l’Angleterre, Jean Vaucourt avait appris par une lettre du vicomte de Loys que les deux bravi s’étaient signalés sur les champs de bataille de l’Europe. Puis dans les Mémoires du capitaine Vaucourt on trouve que plus tard, bien plus tard, lorsque le Chevalier et son digne Écuyer furent devenus, par vieillesse, incapables de manier la grenade et la rapière, tous deux réunirent leurs économies et s’établirent aubergistes. Pendant de longues années encore ils purent vider maints carafons sans cesser non plus de jurer de terribles « Ventre-de-diable » et d’aigres « Biche-de-bois »…


FIN.