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(autre repos)

Les colombes, hier, ont chassé les vampires.
De leur nid profane par l’infâme chasseur
Elles n’ont qu’un rayon, bien mince en la noirceur
Pour réparer le mal refaire l’alcôve
Où, seule, l’amitié reste craintive et sauve.

(Le soldat enjambera la fenêtre pour pénétrer sur la scène. Il s’avancera lentement tout en examinant tes choses avec attention. Sur l’avant de la scène il apercevra soudain un guéridon et sur le guéridon un bouquet de marguerites. Il s’arrêtera surpris et comme extasié, puis il ébauchera un vague sourire pour reprendre :)

Des fleurs…

(Léger repos durant lequel il se croisera les bras, et reprendra avec une sorte d’amertume :)

C’est le sourire ému qu’après les pleurs
L’on voit se dessiner au-dessus des douleurs.
C’est la vie émergeant des débris de la tombe
Les fleurs sont le rayon joyeux et doux qui tombe
Du grand astre Nature, et sème en l’univers
Secoué de combats, et brisé de revers
L’ineffable clarté, la divine lumière.
Décor pour le palais, la fleur pour la chaumière
C’est la tendre gaieté, la consolation,
Elle est, après le deuil, la résurrection !

(Ici la musique douce et lointaine sera couverte par les mêmes clameurs et grondements de canon. Le soldat demeurera un instant pensif, l’œil attendri fixé sur le petit bouquet, la tête légèrement penchée vers la poitrine. Puis, en même temps qu’un profond soupir, il ébauchera de la tête comme un hochement de pitié. Puis il se promènera lentement par la scène pour s’arrêter de temps à autre plus pensif, comme pour miteux suivre le cours de sa pensée. Sortant de sa rêverie il scrutera de nouveau la demi-obscurité, et reprendra ainsi, au moment où s’éteindront les bruits lointains :)

Pas un être vivant !… Le plus profond silence
Alourdit la noirceur et la tristesse immense.
Pourtant d’une fenêtre — était-ce illusion ?
J’avais vu s’échapper comme un mince rayon.
Qui voudrait habiter un logis sans toiture ?
Un pauvre miséreux n’ayant que la nature
Qui puisse lui sourire et le prendre en pitié ?…
Et sait-il seulement ce que c’est l’amitié ?…

(Haussant les épaules avec une sorte de dédain)