préjudice de son petit neveu Maon. Ce jeune homme était aimé de Moriat, fille du roi de Munster. L’amour inspira à cette princesse des vers où elle invitait son amant à reconquérir le royaume de ses ancêtres. Craftine, célèbre barde irlandais, saisit le moment favorable pour chanter ces vers devant le prince, qui, ému par la puissance de la musique et de la poésie, prit la résolution de tout hasarder pour punir l’usurpateur de son trône. Il retourna en Irlande, rassembla ses amis, et, vainqueur après plusieurs combats, il épousa sa maîtresse.
Le mélange des peuples dont paraît s’être formée l’ancienne population de l’Irlande, a exercé son influence sur les tonalités de la musique. Je dis ses tonalités, car il en existe plusieurs dans la musique irlandaise. La première, assez semblable à l’échelle du mode majeur de la musique moderne, n’en diffère que par l’absence de la note sensible. Cette note est supprimée dans toutes les mélodies établies d’après le système de tonalité dont il s’agit, ce qui leur donne un caractère d’originalité, rendu plus piquant encore par la finale, qui souvent se termine dans un autre ton que celui de la mélodie. (Voyez à la suite de ce résumé, no 13, un air irlandais composé dans ce système de tonalité.) Toute la musique conçue dans ce système est susceptible d’être accompagnée d’harmonie, et les bardes irlandais l’accompagnent, en effet, avec leur harpe massive d’un seul rang de cordes, dont l’origine est évidemment toute différente de celle de la harpe welche. Mais cette harmonie n’a que fort peu de rapports avec les successions toutes modernes d’accords, que la plupart des musiciens anglais et autres ont appliquées aux mêmes mélodies, depuis environ soixante ans. Ceux-ci, méconnaissant le caractère tout original de ces mélodies, ont rempli les lacunes de l’échelle qui leur sert de base, altéré la tonalité pour la ramener aux formes de la musique moderne, et gâté les effets piquans d’irrégularité de rhythme, en remplissant des silences non moins originaux que les formes mélodiques.
Ces mêmes arrangeurs ont fait pis lorsqu’ils se sont obstinés à harmoniser d’autres mélodies irlandaises qui, par leur contexture, repoussent toute idée de succession d’accords, n’ayant aucun mode déterminé de tonalité. Les prétendues harmonies dont ils ont accompagné ces airs sont des plus mauvaises ; il était impossible qu’elles fussent bonnes. On en peut juger par l’espèce de danse appelée Corneul Irbhin que j’ai mise à la suite de ce résumé (no 14). Cet air n’a d’analogie qu’avec la tonalité du mode bhai rava des Indous ; mais, en plusieurs endroits, cette analogie disparaît par