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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/220

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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

fût assuré qu’il était possible de trouver quelque chose de nouveau. La diversité des directions qui furent suivies alors par les meilleurs artistes, fit faire à la musique plus de progrès en quelques années qu’elle n’en avait fait pendant deux siècles.

Les recherches qu’avaient faites Zarlino et Vicentino, vers le milieu du seizième siècle, pour découvrir un nouveau genre de musique applicable à l’harmonie, ou pour retrouver certaines parties de l’art des Grecs, dont leurs auteurs ne parlent que d’une manière obscure, ces recherches, dis-je, indiquaient que dès lors la musique usuelle ne suffisait plus aux besoins de l’époque. Cyprien de Rore, élève d’Adrien Willaert, avait aussi essayé d’introduire dans la modulation un système plus varié. Dans quelques-unes de ses compositions, on aperçoit des traces de chromatique, ou plutôt de succession de tons divers, car les dissonances naturelles, qui sont le pivot des transitions véritablement chromatiques, n’étaient pas encore employées. Bientôt après, Lucas Marenzio, homme de génie, essaya d’introduire les dissonances dans ces transitions, et réussit à trouver quelques successions heureuses et inattendues ; mais, soit timidité, soit qu’il n’eût pas compris la possibilité d’employer ces dissonances sans préparation, il en affaiblit l’effet en les faisant entendre d’abord dans l’état de consonnances. Dans le même temps, Charles Gesualdo, prince de Venouse, donna au style de ses madrigaux plus de piquant encore par leurs formes chromatiques. Doué d’un génie plus original que celui de Marenzio, mais moins habile dans l’art d’écrire, il unit dans ses compositions beaucoup de défauts à de grandes qualités. Loués par quelques-uns avec enthousiasme, critiqués par d’autres avec amertume, ses ouvrages n’ont peut-être pas été considérés sous le point de vue où il aurait fallu les voir. Ce qu’on ne peut nier, c’est que ce compositeur a devancé son siècle, sous le rapport de l’expression pathétique des paroles.

Des innovations d’un autre genre furent aussi tentées dans la seconde moitié de ce seizième siècle, époque des grandes choses. À diverses reprises, les instrumens avaient été admis dans l’église et en avaient été chassés. À quel usage étaient-ils employés ? c’est ce qu’on ne sait pas précisément : cependant il y a lieu de croire qu’ils soutenaient les voix dans l’organum et plus tard dans le déchant. La composition de la chapelle des rois de France pendant les quatorzième et quinzième siècles que j’ai trouvée dans les manuscrits de la Bibliothèque royale de Paris, ne m’a pas fait voir d’instrumentistes mêlés aux chapelains et aux chanteurs ; cependant M. l’abbé Baini a remarqué avec