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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/52

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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

dous et celle de la musique européenne ; il cite à ce sujet le témoignage d’un allemand, professeur de musique établi dans l’Inde, qui, ayant accompagné un joueur de vina sur son violon, n’avait pas eu de peine à s’accorder avec lui, et celui d’un Anglais, nommé M. Shore, dont le clavecin avait très bien accompagné la voix d’un chanteur hindou, dans un mode majeur. Il me semble que ces faits ne peuvent s’expliquer que par une altération lente et progressive de l’ancienne conformation des modes de l’ancienne musique indienne. Les communications entre l’Inde et la Perse remontent à l’antiquité ; elles ont pu exercer quelque influence sur l’altération des modes hindous. Dans le conte persan intitulé les quatre Derviches, il est question d’un concert où quatre musiciens sont représentés jouant des préludes sur divers instrumens de musique, dans des modes principaux appelés perdahs, dans des modes moyens (skobahs), et dans des modes secondaires (guskhahs), puis chantant une chanson de Hafiz dans le percha ou mode authentique rast qui est en effet un des modes principaux de la musique des Persans et des Arabes). W. Jones nous apprend qu’un musicien de l’hindoustani, nommé Amin, qui a écrit sur son art, fixe à une époque antérieure au règne de Parriz l’introduction des sept modes principaux de la musique des Persans dans l’Inde. Il fait aussi remarquer que le nom hijeja donné à un mode, dans un livre sanscrit, n’est pas indien, mais persan, et que ce n’est qu’une corruption de hijaz. Il y a donc lieu de croire que l’ancien système de tonalité de la musique des Hindous aura commencé à s’altérer après l’introduction des modes de la musique persane dans l’Inde. D’ailleurs, depuis le seizième siècle, les communications ont été fréquentes entre les habitans de ce pays et les Européens. Les Portugais, les Hollandais, les Français et les Anglais, qui, tour à tour y ont eu des établissemens, y ont exercé une domination plus ou moins étendue ; il y ont introduit leur musique, et pendant trois cents ans ont porté des atteintes plus ou moins grave à l’organisation musicale des Hindous et à l’ancien système de leur tonalité ; en sorte qu’il est vraisemblable que les signes caractéristiques de cette tonalité se sont insensiblement altérés, affaiblis, et ont fini par ne laisser que peu d’analogie entre la musique des Hindous de l’époque actuelle et celle de l’antiquité. S’il en était autrement, si l’accord du vina était autrefois ce qu’il est aujourd’hui, la théorie exposée par Soma et par les autres anciens musiciens serait dépourvue de sens : on ne pourrait la considérer que comme un rêve. Au reste, je ne pense pas que la similitude entre la tonalité actuelle