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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/64

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RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE

et l’amour de la vertu gravé au fond du cœur ; sans cela ils n’en tireront que des sons stériles qui ne nous toucheront pas. » Je ne crois pas pouvoir mieux faire comprendre ce que peut être une musique basée sur de tels principes, que de donner pour exemples deux des plus célèbres mélodies de la Chine. La première (fig. 3 des planches de musique) est composée dans le système de la gamme complète ; l’autre (fig. 4) n’a que cinq notes. Beaucoup de mélodies chinoises sont composées dans cette gamme tronquée dont on a ôté les deux pien ou demi-tons.

Amiot a gardé le silence sur l’existence d’une notation de la musique à la Chine, comme sur beaucoup d’autres choses importantes ; plusieurs écrivains en ont tiré la conséquence que les Chinois ne connaissent rien de semblable : c’est une erreur qu’il est bon de ne pas laisser subsister. Dans la liste des livres originaux cités par le missionnaire comme ayant été les sources où il a puisé ses renseignemens, il en est plusieurs qui traitent spécialement de la notation usitée pour divers instrumens. M. Klaproth possède un de ces ouvrages : c’est un traité de l’art de jouer du kin, et de la notation de la musique pour cet instrument. Je l’ai examiné avec attention, et j’y ai reconnu que cette notation, bien différente du système hindou, n’est pas prise dans les caractères de la langue chinoise, mais se compose de signes particuliers dont l’ensemble paraît offrir beaucoup de complication. Sans doute le P. Amiot, rebuté par les difficultés d’analyse de ce système de notation, n’aura pu en comprendre le mécanisme et aura cru pouvoir n’en point parler. Cela est d’autant plus vraisemblable que la notation du kin paraît être particulière à cet instrument, et qu’il y a lieu de croire que les Chinois ont d’autres notations pour le cheng et le ché. En présence de ces multitudes d’hiéroglyphes, la patience du missionnaire se sera lassée, et le courage lui aura manqué. Il est douteux que ces mystérieuses notations soient jamais connues des Européens, car le savoir le plus profond dans la langue chinoise est insuffisant pour en débrouiller le chaos. À l’examen du traité de la notation du kin, MM. Klaproth et Abel de Rémusat m’ont déclaré plusieurs fois qu’ils n’y trouvaient aucune analogie avec les signes de l’écriture chinoise et qu’ils n’y comprenaient rien. Le temps m’a manqué pour faire sur cet objet des études qui m’en auraient peut-être fait découvrir le mécanisme.