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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/77

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DE L’HISTOIRE DE LA MUSIQUE

de leur alphabet démotique pour noter leurs mélodies ? Pourquoi cette notation ne se serait-elle pas conservée dans la musique des premiers chrétiens orientaux ? d’ailleurs, puisqu’il est démontré que Jean de Damas n’a point inventé les signes de la notation musicale de l’église grecque, quelle apparence y a-t-il qu’au huitième siècle, alors que l’ancien alphabet démotique de l’Égypte avait disparu pour faire place à l’alphabet qobte, dérivé du grec ; quelle apparence, dis-je, qu’il ait été rechercher d’une manière arbitraire, dans une écriture oubliée, les signes d’une notation qui aurait été inconnue jusqu’alors ? Nul doute, selon moi, que cette notation s’était conservée, et qu’elle avait été introduite dans le chant de l’église grecque long-temps avant lui.

Et remarquez l’importance de la découverte de cette ancienne notation. De ce qu’elle ne peut s’appliquer qu’à une musique surchargée de mouvemens de voix et d’ornemens, il suit nécessairement que la musique actuelle de l’église grecque, et de quelques peuples de l’Afrique, nous donne une idée exacte de ce qu’était l’ancienne musique de l’Égypte. Dans l’exécution de leurs chants sacrés, les prêtres grecs, les Qobtes, les Éthiopiens, les Arméniens, les Juifs, parcourent souvent avec rapidité une grande étendue de sons ; cela coïncide avec la forme des instrumens de musique qu’on voit sur les monumens de l’antiquité égyptienne. Toute la musique de l’Afrique et d’une partie de l’Asie tire son origine de cette antiquité, et en a conservé le caractère : écoutez le chant arabe, le chant du faqyr, la mélodie qui s’exhale du haut des minarets pour la convocation des Musulmans, c’est toujours le même système d’accentuation et de vocalisation ; système qui se conserve encore dans son caractère primitif, et qui paraît inhérent à ces vieilles contrées. On verra plus loin comment, oubliant leur propre musique encore rude et grossière, les Croisés rapportèrent de la Palestine et de la Syrie dans notre Europe cet art si nouveau, si séduisant pour leur oreille, et quels furent les effets qui résultèrent de son introduction dans les chants de l’église latine et dans les mélodies des Trouvères.

J’ai dit que la musique des Hébreux est née en Égypte : il en est une preuve qui n’a pas été remarquée, parce que personne n’a songé à l’origine antique de la notation de la musique ecclésiastique des Grecs ; cette preuve se trouve dans la ressemblance remarquable de la plupart des accens musicaux des Juifs orientaux avec les signes de cette notation. Ces accens, sont bien différens de ceux du chant en usage dans les synagogues de l’Europe.

Remarquons d’abord qu’ils n’ont aucune analogie avec les caractères