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Page:Fétis - Biographie universelle des musiciens, t1.djvu/88

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lxxxiv
RÉSUMÉ PHILOSOPHIQUE


ANTIQUITÉ. — CONTINUATION.

musique des grecs et des romains.


Qu’un peuple sensible, doué d’une vive imagination, ait aimé la musique et qu’il l’ait cultivée avec succès, c’est ce qui ne peut être mis en doute, surtout si des monumens de poésie, d’éloquence, d’architecture et de sculpture, nous révèlent l’excellence de l’organisation physique et morale de ce peuple. Les écrivains de l’antiquité ne nous eussent-ils point transmis des récits emphatiques des merveilles opérées par la musique des Grecs, nous serions donc portés à croire que les Grecs ont été fort habiles dans cet art.

Malheureusement, il ne nous est rien parvenu de cette musique qui opérait tant de miracles ; ou plutôt, le peu que nous en avons ne nous semble pas justifier les éloges qu’on lui a donnés. D’ailleurs, si les antiquités de l’Égypte nous font connaître l’existence en ce pays d’un système instrumental étendu, riche et varié, les monumens de la Grèce ne nous présentent que de pauvres lyres à six ou sept cordes, sans manche ni touches pour en varier les intonations, ou des flûtes si imparfaites qu’il en fallait changer pour passer d’un ton à un autre. Point de luth, de guitare, ni rien de semblable ; point d’instrumens à archet, point d’instrumens polycordes tels que les harpes et le psaltérion. Quelques auteurs grecs des temps de décadence font, il est vrai, mention d’instrumens de ce genre, et parlent de la lyre de Phénicie, du symicon, qui avait trente-cinq cordes, et de l’épigone, qui en avait quarante ; mais après les conquêtes d’Alexandre, il s’introduisit dans la Grèce des instrumens de l’Orient, qui y furent toujours si peu connus, d’un usage si rare et si mal approprié au système musical du pays, que la plupart des auteurs qui en ont parlé se contredisent et paraissent n’en avoir eu que des notions très vagues[1]

  1. Aristoxène, cité par Athénée (Deipnosoph., lib. 4), a dit que le phœnix, le pectis, les magadis, les sambuques, les trigones, les clepsiambe, le kindapse et l’ennéacorde étaient des instruments étrangers. Ἀριστόξενος δἒκφυλα ὄργανα καλεῖ φοίνικας, καὶ πηκτίδας, καὶ μαγαδίδας, σαμβύκας τε, καὶ τρίγωνα, καὶ κλεψιάμβους, καὶ σκινδαψούς, καὶ τὸ ἐννεαχορδον καλούμενον.
    Au temps où Pollux écrivait à Athènes son Onomastique, on ne connaissait guère ces instrumens que de nom dans cette ville ; le grammairien indique leur origine orientale. (Lib. 4, cap. 9).
    Il est vrai que Platon dit, dans le troisième livre de sa République : « Nous n’aurons pas besoin d’instrumens à beaucoup de cordes, ni de ceux qui sont propres à tous les modes, pour nos vers et nos chants. — Non, dit-il, cela me paraît ainsi. — Donc