Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/108

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de plomb. Voici le dixième venu : nous sommes au complet, peut-on causer raison ? Ne vous désolez pas trop de l’arrivée de deux intrus. Ils sont utiles et vous les attendiez. Ils ont devancé l’appel, voilà tout, et qu’importe ? Ce n’est pas votre avis, M. Comayrol ? vous comptiez ici retirer tranquillement les marrons du feu. N’ayez pas peur. Chacun, dans notre association, profitera selon son intelligence. Votre discours m’a sincèrement intéressée. Je l’ai médité, je l’approuve… Seulement, pour que l’aîné de la famille tienne décemment la maison, il lui faut une femme. Vous manquiez de femme. Je vous apporte la femme.

Joulou laissa tomber sa tête sur la table que son front choqua lourdement et bruyamment.

Personne ne répondit à l’exode de Marguerite.

— Je vous apporte la femme, poursuivit-elle d’un ton froid et posé. Chacun est ici pour soi, n’est-il pas vrai, avant d’y être pour tous ? Vous avez trouvé dans la rue un portefeuille contenant des valeurs. Au lieu de le déposer chez le commissaire de police, vous vous l’appropriez. C’est là un péché vulgaire, passible d’une peine insignifiante, et certes mon droit à l’association ne vient pas de ce que j’ai surpris le secret de cette fredaine. Il ne vient pas non plus de ce que je connais vaguement, très vaguement, les rouages d’une mystérieuse organisation qui va très haut et très bas, englobant dans son réseau la plupart des couches de notre formation sociale. Il vient d’un autre hasard. Je demeure au no 39 du boulevard Montparnasse, ma cuisine a vue sur ce salon. Voici ce que j’ai pu remarquer ce soir et cette nuit. Je vous prie d’écouter attentivement, Monsieur Comayrol. L’étude Deban a soupé ici. Elle a quitté le cabaret au moment même où un jeune homme, dont j’ignore le nom, a été poignardé au coin de la rue Campagne et du boulevard…

— Est-ce que tu aurais le front ?… rugit Comayrol.