Aller au contenu

Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/116

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tais-toi, Comayrol : tu vas dire un enfantillage !… Vous êtes innocents comme des nouveau-nés ; qui en doute ? J’étais là tout comme vous… mais il y a un coupable, pas vrai ? Ces choses-là, ça ne se fait pas tout seul… Eh bien ! partez de ce principe que le coupable ne viendra jamais réclamer sa prime devant le juge de paix… et soyez sages !

L’auditoire était effrayé mais content. C’était, en définitive, un peuple d’aventuriers. Ils avaient évoqué le diable. Le diable était là.

Seul, peut-être, le bon Jaffret s’en fût allé, si l’on avait ouvert les portes. Encore serait-il revenu.

Le diable parlait haut. Ce sont les bons diables. Il avait du succès. Personne ne protesta contre cette corde métaphorique que chacun avait au cou. Il y a corde et corde, La Fontaine l’a dit, lui qui s’y connaissait : un chien sachant vivre se vante de son collier.

M. Beaufils reprit, après avoir jeté sur son auditoire un regard satisfait :

— Comayrol, mon vieux, tu conserves la place de premier clerc, sauvegardons les positions acquises. Seulement je te mets aux ordres immédiats de Madame la vicomtesse. Si tu te sens plus fort qu’elle, tu lui monteras sur la tête à la longue, mais prends garde ! C’est un joli sujet. Amène le portefeuille !

À ces mots « Madame la vicomtesse » Joulou, qui semblait une masse inerte, avait fait un vague mouvement.

Marguerite le regardait d’un air inquiet.

Comayrol donna le portefeuille. M. Beaufils le tendit à Marguerite en disant avec gravité :

— Le Père n’a besoin de personne en thèse générale. Il tient dans sa manche des gens qui sont véritablement au-dessus du niveau. Cependant, des vides peuvent se produire parmi les frères, et nous sommes tous mortels. Il se trouve que le Père est bien aise de recruter un gentilhomme pour une opération magnifique qui est semée déjà, levée, sarclée, et qui va mûrissant. L’opération sera ultérieurement expliquée. Vicomtesse Joulou, voulez-vous être la bergère de cet aimable troupeau qui est, je suppose, l’entourage et la clientèle de notre gentilhomme ; voulez-vous tenir l’enjeu d’une grande partie ?

Au moment où Marguerite ouvrait la bouche pour répondre, Joulou redressa