Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/150

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— Et jamais vous ne l’aviez vu bouger ? demanda la vieille religieuse dont la joue amaigrie avait comme un reflet des rougeurs qui teignaient la face du blessé.

— Jamais, au grand jamais ! répliqua la Davot. Pour nous avoir mis dedans, ça y est… Et le docteur n’est pas sorcier, non !

En ce moment Roland exhala ce long soupir des gens qui s’éveillent. Son œil s’ouvrit vif et clair. On ne peut pas même dire qu’il jeta un regard sur ce qui l’entourait. Il sembla deviner plutôt que voir, car un voile de morne insensibilité tomba subitement sur sa prunelle.

— Voyez, répéta la Davot, est-il rusé, celui-là ! Il refait le mort.

D’un geste, la mère lui imposa silence. Elle s’approcha du lit et prit la main de Roland qui resta inerte, mais brûlante dans la sienne.

— Mon jeune ami, dit-elle avec douceur, m’entendez-vous ?

— Je t’en souhaite ! murmura la garde. C’est la bouteille au noir !

Le blessé demeura immobile et ne répondit point.

— Je vous préviens, dit la vieille religieuse dont la voix se fit plus sévère, que vous avez remué et parlé pendant votre sommeil. Il n’est plus temps de feindre.

Le blessé pâlit imperceptiblement. Ce fut tout.

La mère attendit la moitié d’une minute et reprit d’un accent impérieux :

— Monsieur Roland, je vous ordonne de parler !

La garde et la sœur échangèrent un regard stupéfait. Pourquoi ce nom ? D’où savait-elle ce nom ?

Le blessé tressaillit faiblement et sa joue continua de pâlir.

La mère Françoise d’Assise attendit encore une minute.

Puis elle se dirigea vers la porte du parloir en disant avec toute sa froideur reconquise :