Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les enfants, Madame ma tante, répondit le duc en souriant.

Le nuage qui restait sur le front de la mère se dissipa comme par magie.

— Madame ma tante, reprit le duc avec gravité, j’ai perdu beaucoup de la grande foi de nos aïeux sans prendre en échange rien des nouvelles religions qui mènent le monde. Je ne regrette point le passé, je ne crois pas au présent, je n’espère pas en l’avenir. Mais, par une contradiction singulière, le sang du roi tressaille dans mes veines quand il s’agit de la race du roi. Vous m’avez jugé parfois égoïste : je ne suis que désespéré peut-être. Je pensais être le dernier Clare Fitz-Roy ; bénie soit la Providence si je me suis trompé ! Tant que le navire n’a pas sombré, il y a chance d’éviter le naufrage. Et tenez, j’ai été sans doute plus loin que vous, Madame, car j’ai eu cette pensée que ma fille pourra devenir un jour la femme du fils de mon frère.

— Je le veux bien ! l’interrompit Nita sans hésiter.

Puis, elle baissa les yeux, tandis qu’une fière rougeur lui montait au visage.

Il y eut une véritable stupéfaction dans le regard de la mère.

— Quoi ! balbutia-t-elle, sur un indice si faible, vous avez songé déjà ?…

— Madame ma tante, répondit le duc, j’avais songé à cela avant de voir le jeune homme du parloir. Aujourd’hui, en descendant de ma chaise de poste, j’ai trouvé à l’hôtel de Clare une lettre de la veuve de feu mon frère Raymond.

— La veuve de mon bien-aimé Raymond ! s’écria la mère qui se laissa choir sur le pied de son lit, la duchesse douairière de Clare !

Elle ajouta d’une voix brisée :

— Et vous ne me disiez pas cela, Monsieur mon neveu !

— Je ne voulais pas vous le dire, Madame, avant d’avoir vu et interrogé celle qui prétend être en effet, la duchesse de Clare, votre nièce et ma belle-sœur. C’est une riche proie que l’héritage de mon frère Raymond. Pour tout ce que