Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/188

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lets de mille ! Te les avait-elle confiés ou les avais-tu pris ? La jeunesse, tout de même, la jeunesse ! Dire qu’ils sont tous pareils ! et qu’ils se font brouter comme de l’herbe par ces méchantes bêtes !…

— Tu es bien pressé ! s’interrompit-elle en voyant que Roland essayait de se lever pour la troisième fois. Est-ce qu’on t’attend ?

Elle eut frayeur de la pâleur livide qui se répandit sur les traits du jeune homme.

— Non, balbutia-t-il avec une détresse si profonde qu’elle eut froid jusque dans le cœur. On ne m’attend pas !

Elle lui caressa la joue comme on fait aux enfants et dit :

— Pauvre grand nigaud ! A-t-il du gros chagrin !… J’aurais voulu au moins que tu manges un morceau, mais ma nièce n’a rien laissé. C’est de son âge.

Tout à coup elle frappa joyeusement dans ses mains.

— Je savais bien ! s’écria-t-elle, je savais bien que j’oubliais quelque chose ! C’est tout bonnement le principal.

Quelle tête j’ai ! Tu te souviens de la lettre dont je t’ai parlé ? La lettre qu’elle avait donnée au commissionnaire, l’avant-veille de l’événement ? Eh bien ! la réponse est venue aujourd’hui. Du moins je suppose que c’est la réponse, et je ne suis pas maladroite pour deviner ces charades-là. Mme Thérèse avait ce portrait de général à sa cheminée. Ils l’ont vendu comme le reste, et c’est un clerc de notaire qui l’a acheté, un clerc de l’étude Deban, connais-tu ? Dieu merci, on ne peut pourtant pas croire qu’elle fût la femme d’un général, quoique tu ressembles fameusement au portrait… c’est pour dire qu’elle a emporté avec elle un bon paquet d’histoires ! Devine devinaille !