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XVII

Le restant de la nuit.


Les maisons ont leurs destinées comme les hommes, et aussi, pourrait-on dire, leurs ridicules, leurs infirmités. Je ne sais comment exprimer cette chose subtile, mais vraie : le théâtre de l’Odéon est né pingre et pauvre. Au milieu des prospérités méritées qui lui arrivent périodiquement et l’indemnisent de ses longues famines, il reste mal fourni, comme ces ménages d’artistes qui donnent à dîner sans vaisselle. Il a son luxe, à lui, de temps en temps, un luxe glorieux, mais il lui manque toujours quelque chose, soit une chemise, soit des chaussettes. Supposez-le vêtu avec splendeur, si son pourpoint s’entr'ouvre, vous verrez qu’il n’a pas eu le temps d’acheter une soubreveste.

Cette nuit, où l’Odéon donnait bal, les éblouissements de la façade s’arrêtaient juste à l’entrée des galeries noires comme de l’encre et dans chacune desquelles deux ou trois quinquets honteux charbonnaient leurs mèches avares. L’invention du gaz a supprimé ces contrastes autour de l’Odéon comme ailleurs, mais, à l’époque si rapprochée de nous où se passe notre histoire, l’envers d’une fête éclairée a giorno pouvait être encore l’obscurité complète.

Roland fit un circuit et gagna péniblement la galerie qui longe la rue Corneille. Il fut soulagé en entrant dans ces ténè-