Aller au contenu

Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bait presque en ruine. La belle rampe de fer forgé se rongeait sous la rouille. Les marches, couvertes d’une poussière humide, et les murailles salpêtrées exhalaient une odeur de cave. Une fois sur le carré, on poussait un battant vermoulu et l’on entrait de plain-pied dans un des plus remarquables ateliers de Paris, et le seul de cette capitale, comme le disait hautement M. Baruque, rapin d’un âge mûr, premier élève du fameux Tamerlan, le seul qui pût montrer, festonnant ses murailles, une guirlande de rats empaillés, mesurant soixante-douze aunes, et composée de huit cent quatre-vingt-trois sujets, tous tués dans l’établissement, sans le secours des chats !

Il ne faudrait pas croire que nous franchissons ici le seuil d’un séjour fantastique ou seulement inconnu. Beaucoup de poètes vont criant que Paris perd une à une toutes ses vieilles physionomies ; il y a du vrai là-dedans, mais l’atelier Cœur-d’Acier subsiste encore, heureux et glorieux. Il ne mourra pas de si tôt. L’admirable équilibre établi entre son but et ses moyens d’exécution en fait une chose quasi éternelle.

Il changera de place, poursuivi par la démolition et par l’alignement, mais il ne mourra jamais, dût-il exiler sa guirlande de rats hors des fortifications et baraquer sa gloire au milieu de la plaine Saint-Denis. Il répond à un besoin. Pour toute une population intéressante et nombreuse, « MM. les artistes en foire », il est le temple même de la peinture et le moindre de ses tableaux vaut deux travées de notre exposition nationale.

À quelle époque fut-il fondé ? À quel esprit hardi doit-on cette manière à la fois enfantine et sublime, naïve comme Cimabué, colossale comme Michel-Ange ? Aucune académie, jusqu’au jour où nous sommes, n’a institué de prix pour éclair-