Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/222

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— Pauvre bon père ! murmura-t-elle. Il y a eu vendredi deux ans… et son deuil n’était pas fini que ma vieille tante, la religieuse de Bon-Secours, est partie aussi. C’était la dernière, celle-là : je suis seule.

— Je vous ferai observer, princesse, prononça doucement la dame de compagnie, que vous n’êtes pas seule du tout : Mme la comtesse est pour vous une seconde mère.

— Bien, Favier, répondit Nita avec un mouvement d’impatience. Quand j’attaquerai Mme la comtesse, il sera temps de la défendre, ma bonne.

Puis elle ajouta en se rapprochant de sa compagne :

— Pourquoi m’as-tu abandonnée, Rosette ? Je t’ai bien désirée, va !

— Parce que, répondit Mlle de Malevoy après avoir hésité et en anglais, mon frère ne veut pas que j’aille à l’hôtel de Clare.

La dame de compagnie rougit ; ses yeux placides eurent une étincelle. Nita tourna vers elle un regard tout brillant de bonté et lui dit :

— Je n’ai pas souvent l’occasion de repasser mes leçons d’anglais. Permettez-vous, ma bonne ?

Mme la comtesse et le vicomte Annibal parlent anglais tous les deux, répliqua la dame de compagnie. En vérité, ce ne sont pas les occasions qui manquent à Madame la princesse pour repasser ses leçons !

Elle croisa son boa sous les brides de son chapeau et prit une attitude résignée. Rose toucha légèrement le coude de son amie. Elles échangèrent une rapide œillade qui contenait beaucoup de paroles : question et réponse.

Le regard de Mlle de Malevoy voulait dire : Tout à l’heure je t’ai demandé si elle comprenait l’anglais : tu m’as répondu : « Non, pas du tout. » Es-tu bien sûre de ne point te tromper ?

Le coup d’œil de Nita confirmait pleinement sa première assertion, et répétait : Not at all ! Elle reprit vivement et non sans une petite pointe de colère, toujours en