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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/228

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tenu contre un officier de marine ce combat historique et terriblement fou, illustre dans le légendaire des écoles.

Rien : c’était M. le comte du Bréhut de Clare, un homme modéré, tiède, riche, grandi dans l’opinion par la position princière de sa pupille et en passe de devenir pair de France.

C’était en outre le mari de Mme la comtesse du Bréhut de Clare, ou mieux de Clare tout court : une créature d’élite, celle-là, une femme supérieurement belle et très forte, qui avait exhumé d’archives plus profondes que des puits ce droit à porter le nom de Clare, et conquis ainsi pour son mari, dans un conseil présidé judiciairement, la tutelle de la princesse d’Eppstein, malgré l’opposition de feu la mère Françoise d’Assise, qui était morte en gardant certains préjugés entêtés.

Le principal de ces préjugés était une défiance incurable à l’endroit de Mme la comtesse.

Au physique, M. le comte du Bréhut de Clare était plus vieux que son âge et paraissait au moins quarante-cinq ans. Son athlétique constitution avait considérablement fléchi ; autrefois, ses épaules larges et hautes auraient fatigué l’habit noir qu’il portait aujourd’hui comme tout le monde. Sa taille était un peu courbée ; il avait l’air souffrant et surtout triste. Mais la transformation était principalement dans ses traits et dans l’expression de sa physionomie.

Sa figure restait large, son teint terne ; seulement la maigreur, sculptant à nouveau les plans de cette face fruste qui jadis semblait une grossière ébauche, avait dégagé les lignes nettes et presque nobles. Les yeux agrandis pensaient, le front dégarni méditait.

À l’aspect d’une étrangère dans la calèche, le premier mouvement de M. le comte fut une sorte de tressaillement craintif. Il avait la vue très basse et demanda :

— Qui donc avez-vous là, princesse ?

Nita lui tendit la main familièrement