Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/271

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il point se rendre compte d’un singulier travail auquel le bon Jaffret se livrait derrière la mousseline.

Le bon Jaffret tenait d’une main une lorgnette de spectacle qu’il avait mise au point avec beaucoup de soin, de l’autre une miniature encadrée de velours avec un cercle d’or.

Il regardait tantôt Roland dans la jumelle, tantôt la miniature à l’œil nu.

Et il avait l’air vivement satisfait, le bon Jaffret !

Roland, lui, gardait malgré lui les yeux fixés sur les deux lettres qu’il tenait toujours à la main.

Tout à coup, il tressaillit et se retourna. La porte-fenêtre, d’ordinaire inviolable, venait de s’ouvrir avec bruit et donnait passage à un visiteur.

— Je vous baise les mains, cher et illustre, lui dit le nouveau venu de but en blanc avec un salut du genre mixte : obséquieux et effronté à la fois, je n’ai pas eu besoin d’escalader votre muraille. J’y étais déterminé. Je suis un amateur. Nous autres Napolitains, rien ne nous arrête… Le vicomte Annibal Gioja, des marquis Pallante, pour vous servir passionnément, s’il vous plaît, envers et contre tous, et, sans autre salaire que la joie de vous être agréable !

Second salut, déjà plus familier. La voix de cet homme souriant caressait l’oreille comme une cavatine. Roland n’avait pas changé de place et le regardait, étonné.

Les yeux du vicomte Gioja s’étant fixés sur la lettre qui appelait Roland : « Monsieur le duc, » il eut un vrai sourire d’Italie, entre cuir et chair.

C’était un fort joli jeune homme, peau blanche, cheveux noirs, prunelles de jais nageant dans du bleu. Son costume avait une irréprochable élégance ; rehaussée par un ruban haché de nuances diverses et résumant tout un ensemble de décorations étrangères. Nous ne saurions dire comme tout cela brillait : le blanc du teint, le noir des cheveux, le jais des prunelles et les prismes des décorations exotiques. Le vernis que les autres gardent pour leurs bottes semblait s’étendre et