Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/279

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respectifs, gazouiller les louanges de Jaffret qui alla à ses affaires.

Dans le pavillon, Roland dormait enfin pour tout de bon. Il était couché sur son divan, vis-à-vis de la fenêtre donnant sur le jardin et un blanc rayon du soleil de décembre, passant à travers les arbres nus, venait jouer avec son sourire.

Car il souriait, — à un rêve sans doute.

Les deux lettres échappées de ses mains gisaient sur le parquet.

Il y a, dit-on, des hommes trop beaux et que cette beauté même marque au sceau d’une fatalité. Roland n’était pas ainsi ; quoique son adolescence et sa jeunesse eussent connu bien peu de jours véritablement heureux, quoiqu’il y eût dans sa vie des souvenirs d’une indélébile tristesse, il était impossible de concevoir, à son aspect, une idée de condamnation ou de misère. Il était de ceux qui semblent riches au milieu de la gêne, et dont la physionomie, en dépit des chances contraires, parle de bonheur à venir.

Il était plus jeune que son âge de beaucoup, parce qu’il était admirablement fort et qu’il n’avait point vécu. Prisonnier d’une crainte puérile, d’une répugnance exagérée dans laquelle la science eût démêlé peut-être les résultats morbides de ce choc qui l’avait renversé, demi-mort et blessé à l’âme autant qu’au corps, il s’était caché comme un criminel, fuyant un fantôme et parquant de parti pris son existence dans un milieu obscur où les plus actives recherches ne devaient point le découvrir.

La loi, qu’il redoutait follement, ne le cherchait point. Ceux qui l’avaient cherché si longtemps avaient les mains pleines de richesses et d’honneurs qui étaient son héritage.

Mais ceux-là étaient morts. — Et la loi endormie s’éveille à la longue souvent, interrogeant tout à coup des pistes à demi effacées.

Le danger, illusoire dix ans auparavant, pouvait devenir réel. Et à la place des amis décédés les ennemis surgissaient dans l’ombre, poursuivant à tâtons, non