Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/297

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telligence dans les yeux : une fille comme elle ! c’est impossible ! Mais Marguerite l’a voulu. Ce que Marguerite veut arrive toujours.

— Et qui est cette Marguerite ? demanda Roland dont les cheveux étaient baignés de sueur.

Le comte ne répondit point. Un vague effroi parut dans son regard.

— Répondez ! ordonna le jeune homme. Je vous ai demandé : qui est cette Marguerite ?

Il ajouta en baissant la voix :

— J’ai le droit de savoir !

Le comte murmura pour la seconde fois :

— Je donnerais tout ce que j’ai au monde, et mon sang, tout mon sang pour le revoir en vie !… Où en étais-je ?… Le mort de la rue Notre-Dame-des-Champs avait été tué d’un coup de pistolet à bout portant. Quand on me le montra, il avait encore son déguisement de carnaval : un costume de Buridan… mal attaché, c’est vrai, et qu’on semblait lui avoir mis après sa mort… Le juge qui était venu dit cela… Moi, le costume de Buridan me donna d’abord à penser… Vous vous êtes déguisé ainsi, en Buridan, une fois ou l’autre, Monsieur Cœur ?

Son regard, empreint d’une singulière expression de ruse, interrogea Roland.

— Jamais ! répondit celui-ci péremptoirement.

— Jamais ! répéta le comte. Vous ne voulez pas guérir la conscience d’un malheureux homme ! Si je le voyais vivant, il me semble que je n’aurais plus ce poids qui écrase ma poitrine… Et pourtant, c’était bien un duel, allez ! Il avait comme moi son poignard à la main ; nous étions en Buridan tous deux… vous souvenez-vous, Monsieur Cœur, comme il y avait des Buridan cette année ?

C’était une chose étrange : en prononçant ces derniers mots, il joignit les mains avec un geste de supplication désespérée.

Roland tourna son regard vers le groupe