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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/3

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consultations gratuites envoyaient le malade chez un certain pharmacien qui seul exécutait bien ses ordonnances. Ce pharmacien et lui comptaient ; on disait cela. Que Dieu nous aide ! Nous en sommes, et pour cause, à poursuivre l’usure abominable, jusque sous le blanc vêtement de la charité !

Ceci se passait dans une chambre petite, meublée avec parcimonie. Un feu mourant couvait sous les cendres du foyer. L’air épais s’imprégnait de ces effluves navrantes, épandues par les préparations pharmaceutiques et qui sont comme l’odeur de la souffrance. La malade était couchée dans un lit étroit, entouré de rideaux de coton blanc. Sa pâleur amaigrie gardait les souvenirs d’une grande beauté. Il y avait, sous son bonnet sans garniture d’admirables cheveux noirs où quelques fils d’argent brillaient aux derniers rayons de ce jour d’hiver.

Le docteur Samuel tenait d’une main la main de cette pauvre femme, qui semblait de cire, et lui tâtait le pouls. Dans l’autre, il avait une belle montre à secondes, sur laquelle il suivait d’un regard distrait la marche hâtive et régulière de la trotteuse.

— Il y a du mieux, murmura-t-il comme par manière d’acquit, pendant qu’un sourire découragé naissait sur les lèvres blêmies de la malade. La bronchite est en bon train… Nous sommes spécial pour la bronchite. Mais la péricardite… Écoutez donc… Je vais toujours vous faire mon ordonnance.

— Inutile, docteur, dit doucement la malade.

— Parce que…

— Les remèdes sont chers et nous sommes un peu gênés… en ce moment.

Ces derniers mots « en ce moment » s’étouffèrent comme fait le mensonge en touchant des lèvres loyales.

— Ah !… ah !… ah ! fit par trois fois le docteur Samuel qui remit sa belle montre dans son gousset. Me remerciez-vous, chère bonne Madame ?