Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/319

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sans s’émouvoir, laissons de côté cette face de la question. Je ne permets pas qu’on y touche.

— Soit ! répliqua Comayrol saluant avec politesse, à la condition qu’il reste bien entendu que cet élément entre comme mémoire à notre crédit. Je saute par-dessus deux ou trois autres considérations, également délicates, et je pose le bilan de M. Cœur en un seul trait de plume. À droite, je vois un jeune peintre, moins célèbre que Raphaël, qui attend l’avenir, sous l’orme, qui cache son nom, pour cause, à moins qu’il n’ait pas de nom, et qui s’est mis, comme l’autruche abrite sa tête sous un caillou, derrière cette grotesque chose : l’atelier Cœur-d’Acier. Soit glissé entre parenthèse : du moment qu’une voix aura pris la peine de murmurer : voilà le gibier ! l’atelier Cœur-d’Acier est le meilleur endroit du monde pour livrer son homme à la loi dans des conditions désespérées. Faut-il insister ?

— Non, dit Roland, je suis de votre avis. Passez !

— Je passe, puisque vous le voulez, je passe tout, même l’affaire des nippes à la Davot : garde-robe de Damoclès, et je regarde à gauche. À gauche, je vois un nom ! tout une botte de noms ! un titre ! un plein panier de titres ! une position splendide, une page entière dans l’histoire, des hôtels, des châteaux, des forêts, de l’argent, des montagnes d’argent, et la pairie, car il faut un état social…

— Votre prix ? l’interrompit Roland.

— Attendez ! nous avons encore à établir quelques préliminaires. Les gens sans nom sont mendiants ou princes, au gré du hasard parfois, parfois au gré de leur valeur personnelle. Au début de cette entrevue, vous nous avez donné à penser par des réponses où vous glissiez à dessein de mystérieuses emphases…

— Oh ! murmura Jaffret, il a du talent, j’en réponds !

— Vous nous avez donné à penser, poursuivit Comayrol, que vous couriez un lièvre, et que votre lièvre ressemblait au nôtre.