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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/349

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dix ans en un seul jour. Ne me traite plus comme une enfant pour qui l’on pense et pour qui l’on agit. Je pense par moi-même ; par moi-même, je veux agir. Je n’aimerai qu’une fois, et qui donc lui donnera une tendresse pareille à la mienne ? J’ai le droit de combattre. Si je remporte la victoire, je gagnerais peut-être ton bonheur avec le mien, — et le sien, car ma vie entière sera consacrée à le faire heureux.

— Mon bonheur ! à moi ! murmura Léon qui secoua la tête tristement.

Rose se leva et prit un siège à côté de lui, disant :

— Jusqu’à ce que tu m’aies expliqué clairement et complètement le cas où tu te trouves, nos paroles se croiseront sans se répondre. Après toi je parlerai. Maintenant, je t’écoute.

Le regard du jeune homme se porta avec une lassitude effrayée sur les papiers qui étaient devant lui.

— Ce sera long, fit-il en se parlant à lui-même.

La jeune fille répliqua froidement :

— La nuit entière est à nous.

Léon rapprocha de lui le dossier qui portait pour suscription : no 2, la mère Françoise d’Assise (morte), et l’ouvrit, non sans une visible hésitation.

— Ma sœur, prononça-t-il avec gravité, je ne connais pas de cœur plus loyal que le tien. Ceci est le secret d’une famille, et, nous autres notaires, nous sommes des confesseurs. Tu es la rivale de la princesse d’Eppstein, pourrais-tu affirmer sous serment que, demain, tu ne seras pas son ennemie ?

— Sous serment ! répondit Rose. Je l’affirme ! J’aime Nita comme si elle était ma sœur. Je jure que je l’aimerai toujours !

— Écoute donc, poursuivit Malevoy d’un ton solennel et presque menaçant. Si d’un malheureux qu’il est, certaines gens font jamais du fils de ton père un criminel, tu comprendras du moins pourquoi il meurt ou pourquoi il se venge !