Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/361

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loisir de mettre mon écusson à l’abri d’une tache funeste. Il ne serait pas bon que l’Europe pût dire : un soldat de l’armée de Condé, un compagnon d’exil de Louis XVIII, un général français, un pair de France, a demandé huit jours de la vie d’un coupable pour sauvegarder son propre honneur, et cette grâce lui a été refusée ! Dans l’espace de huit jours, je m’engage à prouver que le général bonapartiste, assis au banc des accusés, n’a aucun droit à mon nom de Clare, aucun droit à mon titre de duc, et je mets la cour au défi d’affirmer que, parmi les papiers de cet homme, une seule pièce ait été trouvée qui établisse son prétendu état civil. Mon frère aîné, le duc de Clare, est mort, je suis son unique héritier ; dans huit jours, à cette même place, je m’engage à produire son acte de décès…

Ma sœur, c’était un temps troublé profondément, où le cours des choses allait sans doute au vent de la faveur et de la passion. Il faut constater cela pour expliquer les hardiesses presque insensées de cette allégation, dans le pays même où le général Raymond de Clare possédait d’immenses domaines, et à quelques lieues seulement de sa résidence bien connue. Mais les juges composant la cour étaient étrangers à la contrée et il est des jours où la politique est friande de scandales. L’échafaud qui se dresse après les guerres civiles ne déshonore pas : c’est un Calvaire. Ce qui déshonore, c’est le vol et l’imposture : l’idée de trouver, sous l’uniforme d’un général de division la peau d’un effronté coquin, était faite pour séduire.

Guillaume de Clare ne demandait, après tout, qu’une semaine.

La cour s’ajourna.

C’en était assez pour la réussite du plan.

Dans la nuit du surlendemain, Raymond de Clare s’évada des prisons de Grenoble, par les soins du duc Guillaume, son frère.