Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/375

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— Et pourquoi n’as-tu pas porté plainte ?

— J’ai porté plainte.

— Contre qui ?

— Contre M. le comte et Mme la comtesse du Bréhut de Clare.

— Ah ! fit Rose, tu avais des raisons pour cela ?

— J’avais des raisons… des raisons graves.

— Qu’est-il résulté de ta plainte ?

Au lieu de répondre, Léon montra du doigt le tiroir où il avait renfermé ses pistolets.

— Explique-toi ! dit Rose avec une agitation contenue.

— Le chef du parquet m’a fait appeler, dit Léon. Mes relations avec M. Lecoq étaient connues ; on les a commentées, exagérées, dénaturées. On a dit que j’aimais la princesse, ce qui est vrai, que j’étais ambitieux, que j’avais intérêt, ce qui est plausible… Sais-tu l’histoire de ce caissier qui se mit un masque sur le visage pour voler lui-même sa caisse ? Les histoires de ce genre sont curieuses et ouvrent un champ nouveau aux calculateurs des probabilités criminelles. En notre siècle, d’ailleurs, on soupçonne aisément tout ce qui jadis était respecté. Les notaires s’en vont comme les prêtres…

— Tu es soupçonné, toi, mon frère ! prononça lentement Mlle de Malevoy.

— Je suis plus que soupçonné, je suis accusé. Je suis prisonnier chez moi, non pas sur parole, mais sous la garde de l’autorité. Il y a dans notre maison deux clercs qui ne sont pas des clercs, et un nouveau domestique qui n’est pas un domestique. Je ne pourrais pas sortir sans avoir l’un d’eux à mes côtés.

— Tu as consenti à cela ?

— J’ai consenti à cela. C’était de la clémence ; on aurait pu me mettre en prison.

— Et qu’espères-tu, mon frère ?