Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/382

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— Tu n’aimes pas la justice, mon frère, l’interrompit Rose. Tu prétendais autrefois que les malfaiteurs seuls médisaient les gendarmes.

— J’avais raison ! fit le jeune notaire avec un courroux qui ne savait à quoi se prendre. Les gendarmes sont une main, une main honnête : que Dieu les bénisse ! La justice est un œil qui peut être presbyte ou myope. J’ai peur. Je voulais les titres. Je veux les titres !

— Tu auras les titres, mon frère, prononça Rose de Malevoy lentement et tristement.

Il la regarda, étonné. Elle put lire un soupçon dans ce regard, et son paisible sourire n’exprima point de rancune.

— Tu promets beaucoup, dit encore Léon. Tu es donc autorisée à promettre ?

Comme elle ne répondait point, il reprit d’un ton grave et doux, où sa tendresse, réveillée par l’inquiétude, avait évidemment le dessus, sa tendresse de frère :

— Ma sœur, tu n’as point cherché cette intrigue. Tu ne sais même pas qu’une intrigue t’enlace dans ses fils. Le monde progresse, vois-tu, dans le mal comme dans le bien. On invente. Il y a maintenant des pièces invisibles dont les mailles sont d’acier comme celles du filet de Vulcain. Tu n’es qu’une jeune fille ; moi, j’ai l’expérience de la vie. Si tu savais de quels abîmes est coupée cette route sombre où tu vas, étourdiment engagée…

— Il n’y a point d’abîme sur ma route, répliqua Rose. Ma route est droite et va en plein soleil. Les abîmes étaient sur le chemin qui te conduisait vers ce Lecoq et ses complices.

— J’ai peur, murmura Léon, que tu sois justement entourée par les complices et successeurs de ce même Lecoq. Les Habits-Noirs sont ici, j’en jurerais !

— Tu peux jurer sans crainte, mon frè-