Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/393

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— En êtes-vous bien sûr ? fit-elle avec un dédain où se mêlait une sorte de reproche affectueux. Et depuis combien d’heures l’avez-vous trouvé ?…

Oui, s’interrompit-elle, celui-là, vous l’avez trouvé, c’est vrai, je vous l’accorde, ou plutôt on l’a trouvé pour vous. À quoi vous servira-t-il ? C’est un vaincu comme vous, et ce serait comme vous une victime, si, par un pacte monstrueux, il ne s’était lié avec ceux qui rôdent comme des loups autour de son héritage !

Les regards de Léon interrogèrent.

— Vous comprenez encore moins, poursuivit Marguerite. C’est, en effet, difficile à comprendre. Et pourtant votre propre conduite pourrait vous donner la clef de l’énigme. N’aviez-vous pas, vous aussi, fait un marché de dupe avec vos plus cruels persécuteurs ? N’étiez-vous pas, vous, Monsieur de Malevoy, homme public, chargé d’intérêts immenses, l’une des marionnettes dont M. Lecoq tenait les fils dans sa main ?

Les yeux de Léon cessèrent de regarder en face.

— Vous êtes honnête, pourtant, continua Marguerite. Je le crois, j’en suis sûre. Moi, mes souvenirs de jeunesse sont mes meilleurs souvenirs, et je vous juge tel que je vous ai connu dans cette petite chambre qui est au dernier étage de la maison où nous sommes : votre mansarde de quatrième clerc. Vous voyez que j’ai de la mémoire, Monsieur de Malevoy, et que je ne fuis pas les réminiscences. Je vous ai aimé, non pas d’amour peut-être, les bonnes filles telles que moi, telle que j’étais alors, sont des camarades plutôt que des amantes. Elles font leur temps d’école, quelques-unes d’entre elles, du moins, étudiant la vie comme vous étudiez, vous, le droit ou la médecine. Et, leur temps d’école fini, elles montent, au moins quelques-unes d’entre elles, et font ce grand pas qui franchit le seuil de l’existence sérieuse. Pourquoi n’en serait-il pas