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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/398

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XVII

La version de Marguerite.


Léon de Malevoy, brisé par l’émotion, se laissa retomber sur son siège et cacha sa tête entre ses mains.

— Vous avez donc quelque chose de bien terrible à exiger de moi ? dit-il.

La comtesse le regarda étonnée, mais j’entends étonnée comme on l’est dans ces entretiens futiles où la surprise naît de la première bagatelle venue. Son étonnement souriait.

— Pauvre Léon ! fit-elle, vous redevenez un enfant !

Puis son regard prit une expression singulière.

— Vous ne me connaissez pas, Malevoy, dit-elle avec une familiarité douce, vous ne me connaîtrez jamais, cela d’autant mieux que je n’ai ni l’envie ni le besoin de me faire connaître. J’ai été ambitieuse, je le suis peut-être encore, mais ma carrière est tracée et mon lit est fait. Ni mes amis ni mes ennemis n’y peuvent rien. En ce moment, voici mon but : il est simple et si naïf que je ne me formaliserais pas s’il excitait quelque défiance… par la raison que, d’ordinaire, je ne suis ni simple ni naïve : je veux sauver deux hommes, deux camarades, deux anciens amants à moi, si vous voulez, en me vengeant de quelques autres hommes qui ont encouru mon déplaisir.

— Oyez-vous cela, Buridan, mon capi-