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Page:Féval - Cœur d’acier,1865.djvu/445

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dressa entre la caisse et Similor à qui il arracha le coup-de-poing de Jaffret, disant :

— On casse la tête du premier qui n’est pas sage comme une image !

— Et à la soupe ! ordonna Gondrequin-Militaire. Demain, vous ferez comme vous voudrez ; mais aujourd’hui, par la circonstance momentanée que vous avez l’avantage de travailler avec des gens de cœur, tels que moi et Rudaupoil, garde à vous ! l’immobilité dans les rangs, ou on tape !

Similor hésita. Échalot mit son petit par terre et dit avec douceur en se déshabillant :

— Souhaites-tu qu’on leur en trempe une, de soupe, Amédée ? Je jure sur ma patrie que je placerai la somme qu’on va piquer au nom de Saladin, pour sa conscription et son mariage. Y es-tu, bonhomme ?

Mais l’immense majorité des oiseaux cria :

— À table ! à table ! nous ne sommes pas des voleurs !

Le souper embaumait. La majorité l’emporta. Similor et Mlle Vacherie entrelacèrent leurs bras et s’éloignèrent de la caisse avec un soupir de regret. Échalot a dit bien souvent depuis :

— C’était l’occasion de se faire des ressources. Sans les deux balayeurs à l’huile, l’enfant aurait eu son sort assuré dans la société moderne !

Ce fut un gai repas ; les oiseaux du bon Jaffret étaient bien nourris. Nous ne décrirons pas les sensations poignantes qui déchirèrent le cœur de leur maître pendant qu’on les dévorait. Son dîner était loin déjà ; il n’avait plus la crainte de subir le dernier supplice ; l’estomac et l’âme sont deux organes bien différents. Jaffret s’avoua à lui-même qu’il eût mangé un blanc de ses amis avec plaisir. On ne lui en offrit point.

— Iscariote, lui dit Gondrequin-Militaire, quand on eut nettoyé les trois plats et consommé en sus les reliefs du dîner fin de la veille, M. Baruque et moi nous allons te mettre en liberté. Nous avons besoin d’aller cette nuit dans le grand monde, à l’hôtel de Clare. Fixe, animal, ou je vais te blesser ! Nous te faisons l’honneur de te prendre, n’ayant pas le choix, pour nous conduire chez l’ancienne Marguerite de Bourgogne. En avant, marche !

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.